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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/891

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Rentrés au sein des populations frémissantes et sans aucun espoir désormais de faire connaître la vérité, les membres des états furent amenés à se concerter entre eux en opposant la barrière du secret aux investigations du despotisme. Ce fut alors qu’un pacte où respire le génie national dans son expression la plus élevée vint lier étroitement les membres de la noblesse, pacte clandestin sans doute, mais dont on ne saurait faire sortir la plus légère induction contraire à la fidélité due au jeune roi, au régentât à la couronne de France, et qui avait pour but unique le maintien des droits constitutionnels de la Bretagne[1]. Alors furent abordées les hypothèses les plus redoutables entre les ardens colporteurs de l’acte d’union, et ce fut en présence des troupes qui paraissaient s’avancer pour lui porter le coup de grâce que la Bretagne se prit à énumérer ses moyens de résistance, à fourbir ses armes et à réparer quelques brèches aux vieilles tours échappées au marteau de Richelieu. Des chefs furent désignés, des points stratégiques indiqués à tout événement ; des mots d’ordre circulèrent de château en château, et des signaux manœuvrés par les initiés se dressèrent au haut dès clochers : appareil alarmant sans doute, mais qui, dans la pensée des confédérés, n’impliquait qu’une résistance organisée à la perception de l’impôt et aux violences éventuelles de la force armée.

Il était naturel que la princesse intrigante qui méditait à Sceaux, au milieu de son olympe de carton, la grande œuvre de la restauration des bâtards, que le boute-feu italien qui avait entrepris de bouleverser l’Europe dans l’intérêt politique du cabinet de Madrid, s’entendissent pour exploiter au profit de leurs égoïstes projets la juste irritation d’une grande province, pour pêcher quelques dupes dans ces eaux si profondément troublées. Ce triste succès ne leur manqua point, et la conspiration de Pontcallec, avortement malheureux de la plus noble des entreprises, vint très à propos pour la régence ôter au grand mouvement breton son admirable caractère de résistance légale, en paraissant placer les plus patriotes des hommes à la suite d’un cabinet étranger. Quel qu’ait été l’isolement des conjurés au sein de la province sitôt qu’on y put soupçonner leur véritable dessein, cet isolement n’empêcha point que l’association bretonne ne se trouvât frappée au cœur par une intrigue dont le dernier mot, en cas de succès, aurait été le gouvernement de M. du Maine, le bouleversement diplomatique de l’Europe et la subordination de la France à l’Espagne.

C’est là l’impardonnable tort des conjurés, si noblement expié qu’il ait pu être par la courageuse simplicité de leur mort. Les quatre gentilshommes

  1. M. de La Borderie a donné, d’après le journal inédit du président de Robien, le texte même de l’acte de 1710, que Lémontey n’a point connu, et dont il a parlé avec inexactitude dans son Histoire de la Régence.