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Tout le mal, suivant eux, est dû au système des taxes élevées et doit disparaître avec ce système. À les entendre, une réforme radicale amènerait rapidement une clientèle nouvelle dans les bureaux de l’administration, et modifierait de fond en comble les conditions sur lesquelles on raisonne aujourd’hui. Ici, comme dans presque toutes les questions, il y a le parti de la résistance et le parti du mouvement ; pour résoudre le problème, il est nécessaire d’examiner le matériel télégraphique et les progrès qu’on en peut attendre ; Il né suffit point en effet de provoquer la multiplication des dépêches par l’abaissement des tarifs, il faut encore se mettre en mesure de satisfaire aux nouveaux besoins qui seraient ainsi créés.

Le matériel télégraphique se compose de deux parties principales, celle des lignes et celle des stations. Je ne m’en occuperai qu’au point de vue de la rapidité de transmission des dépêches, car tout abaissement des tarifs doit être fondé sur une accélération du service. Dans une note sur l’état du matériel télégraphique de la France au 1er janvier 1859, due à M. de La Taille, on voit que l’administration emploie aujourd’hui de préférence des fils de fer de 4 millimètres de diamètre. Ces fils sont isolés le long de poteaux injectés par le procédé Boucherie[1]. Il n’est personne qui, voyageant en chemin de fer, n’ait examiné la façon dont les fils sont suspendus aux poteaux au moyen de supports isolans en porcelaine. L’isolement aussi parfait que possible des fils est une des conditions essentielles d’un bon service. Aujourd’hui oh peut estimer que, sur 1 kilomètre de longueur, le fil est isolé par quatorze points seulement en moyenne ; la portée normale du fil entre deux points d’appui est d’environ 78 mètres. La réduction du nombre des points de suspension est un avantage, mais on ne l’obtient qu’à la condition de donner beaucoup de solidité aux poteaux, surtout quand ils doivent porter plusieurs fils.

L’électricité ne voyage pas sur les lignes télégraphiques avec cette vitesse prestigieuse que les expériences de cabinet avaient d’abord fait espérer : les fils mettent un certain temps à se charger d’électricité, quand le courant les traverse, absolument comme un gaz à très haute pression, lancé dans un très long canal, ne peut le remplir instantanément. Lorsqu’on envoie un courant sur la ligne, on observe, à l’extrémité où on le reçoit, un courant qui, d’abord très faible, augmente par degrés avant d’atteindre son intensité normale. L’écoulement graduel du fluide électrique à de très longues distances opposera toujours une limite à la rapidité des communications, car, si l’on envoie un second courant avant que le, premier ait eu le temps de s’écouler, les deux courans se mêlent, et les signaux deviennent

  1. Ce procédé a été décrit dans la Revue du 15 janvier 1860 par M. Clavé.