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nous donner un chiffre, celui de onze milliards, comme représentant la valeur des produits industriels, et d’après lui ces onze milliards se partageraient à peu près par moitié entre la grande et la petite industrie. Le chiffre fourni par Chaptal en 1812 n’atteignait pas deux milliards ; mais il est évident que ce calcul était incomplet, et on y a relevé de nombreuses omissions. La plus récente statistique officielle, rédigée d’après des renseignemens qui furent recueillis en 1847, indique cinq milliards et demi. Depuis 1847, l’industrie a marché à pas de géant, et l’on peut affirmer hardiment que l’importance de ses produits a presque doublé. Quoi qu’il en soit, pour cette portion de la statistique, nous sommes encore dans les brouillards ; l’esprit se trouble devant ces milliards que les statisticiens savent si habilement grouper et faire manœuvrer en colonnes, et il vaut mieux, en vérité, ne point nous attaquer à ces totaux formidables qui nous écraseraient de leur poids. Essayons seulement, comme pour l’agriculture, de dégager et de mettre en relief quelques faits simples, faciles à constater, qui peuvent nous servir d’indices et de points de repère pour apprécier le progrès de l’industrie. Par exemple, le nombre des patentes a augmenté de plus de 25 pour 100 depuis 1847, ce qui atteste l’accroissement très notable de la population industrielle. Depuis la même époque, le nombre des brevets d’invention sollicités annuellement a plus que doublé. Le nombre et la force des machines à vapeur ont triplé ; la consommation de la houille, qui n’était que de 11 millions d’hectolitres en 1815, de 76 millions en 1847, a atteint 120 millions d’hectolitres en 1858. En un mot, tous les faits qui peuvent être établis strictement par des chiffres que garantit l’action vigilante et impitoyable du fisc démontrent qu’il y a eu, depuis quinze ans, dans les mille branches du travail national, un accroissement dont les proportions varient généralement du double au triple. Il est également indubitable que la plus forte part de cet accroissement est due au développement de la grande industrie, qui tend de plus en plus à se substituer aux petits ateliers. Enfin l’on observe dans les produits manufacturés le phénomène que nous avons signalé pour les produits agricoles relativement aux prix de revient et aux prix de vente. Ces prix n’ont pas baissé autant qu’il aurait été permis de le supposer d’après les perfectionnemens de la fabrication, secondée par l’emploi des machines ; il y a même eu hausse sur certains produits, car ici encore les besoins de la consommation sont en avant des ressources de la production.

Ainsi le bon marché nous échappe, sourd à nos vœux et à nos hommages ! Vainement l’économiste lui adresse-t-il, au nom de la science, les plus ardentes invocations ; en vain les gouvernemens essaient-ils de sacrifier successivement sur ses autels les taxes fiscales,