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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/940

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pas d’ailleurs que tout le clergé grec de la Turquie d’Europe soit coupable. Le haut clergé byzantin a failli ; le bas clergé ignorant et malheureux souffre comme le peuple, pense comme le peuple, a foi comme le peuple en sa religion et en sa nationalité. Vienne un bouleversement de l’état de choses actuel, c’est-à-dire une catastrophe intérieure qui renverse la Turquie : ce clergé inférieur s’unira sans hésiter aux populations chrétiennes, quand elles revendiqueront leur indépendance. Moins généreuse, moins honnête que l’ancienne aristocratie ecclésiastique de la Grèce qui s’est associée, il y a quarante ans, à la guerre de l’indépendance et qui lui a fourni des défenseurs et des martyrs, l’aristocratie de l’église byzantine a préféré la cause du croissant, qui fait sa fortune et sa honte, à la cause de la croix, qui ferait son salut et sa gloire ; tant pis pour elle ! elle n’aura point place dans la révolution chrétienne de l’Orient. Il y a dans la Grèce libre un clergé vraiment national, vraiment patriotique, tout prêt pour remplacer le clergé byzantin.

Si le clergé byzantin n’est point remplacé par le clergé hellénique dans quelque grande révolution politique, il peut l’être, du vivant même de l’empire ottoman, par le clergé grec-uni. La scission que viennent de faire les Bulgares est un exemple instructif. Poussés à bout par les vexations ou les corruptions du clergé byzantin, les Bulgares se sont réunis à l’église romaine, sans abjurer leurs rites, leurs coutumes et leur discipline particulières. L’église romaine en effet n’a jamais songé à imposer aux églises d’Orient sa liturgie et sa discipline ; elle demande l’union dans le dogme et dans l’obédience pontificale, elle ne va pas au-delà. Lisez l’encyclique que le pape Pie IX, à son avènement, adressait aux églises d’Orient. Les églises orientales peuvent se réunir à l’église romaine sans abdiquer la nationalité de leur liturgie et de leur discipline. Le rite grec-uni peut donc s’étendre et se consolider en Orient ; le clergé grec-uni peut donc rendre aux populations chrétiennes de l’Orient cette religion charitable et compatissante qui vient en aide aux souffrances du peuple, et qui est nommée dans ses bénédictions et dans ses espérances, au lieu de l’être dans ses malédictions et dans ses colères. Il y a dans l’homme une heureuse et noble inaptitude à supporter le mal dans les corps et dans les hommes dont il a droit d’attendre le bien. C’est cette noble inaptitude qui éloigne en ce moment les populations chrétiennes de l’Orient du clergé byzantin, et les pousse vers le clergé hellénique ou vers le clergé grec-uni. Loin de nous affliger ou de nous inquiéter de ce mouvement, nous y voyons un des signes les plus certains et les plus consolans de l’infaillible régénération de l’Orient chrétien. Les populations veulent avoir un clergé honnête et pur, qu’elles puissent aimer et respecter, parce