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études précédentes ont montré d’abord que la variété et la race n’étaient au fond que des modifications de l’espèce, puisque les caractères de toute sorte qui distinguent l’une et l’autre accusent une atteinte, parfois très sérieuse, portée à cette force formatrice des anciens qui est propre à chaque être et le différencie des êtres voisins. Or cette force première qui transforme en plantes, en animaux les plus divers, des germes en apparence identiques se rattache évidemment à l’essence de chaque espèce, et cette essence nous est absolument inconnue. D’autre part, il nous reste à découvrir sans doute bien des agens capables d’agir sur elle ; le mode d’action de ceux mêmes que nous connaissons nous échappe le plus souvent, de telle sorte que, pour nous guider dans la recherche de la vérité, il ne demeure que des faits épars et certaines coïncidences trop frappantes pour être fortuites. Grouper ces faits et ces coïncidences, en déduire quelques données générales propres à nous guider dans la recherche des faits particuliers et à faciliter l’appréciation de leurs rapports, c’est à peu près tout ce que peut faire la science actuelle ; mais jusqu’où lui est-il possible d’aller dans cette voie ?

Dès le début de ce travail, nous avons constaté que, dans tous les êtres organisés et vivans, l’espèce est soumise à une double action, d’où résultaient deux ordres de faits accusant, les uns une tendance manifeste à la stabilité, les autres une tendance non moins évidente à la variation. À quelles causes faut-il faire remonter cette double action ? C’est là une question que se sont posée de tout temps les plus sérieux penseurs, les plus grands physiologistes, depuis Aristote et Hippocrate jusqu’à Burdach et à Mûller. Or ce ne sont pas les ressemblances existant entre les représentans de la même espèce, entre les individus d’une même famille, qui étonnent ces grands esprits. Ils sont à peu près unanimes pour en trouver la raison dans l’hérédité, c’est-à-dire dans cette force en vertu de laquelle le parent tend à se répéter dans son produit. Ce qui les frappe, ce sont les différences qui se manifestent d’individu à individu, de père à fils, de frère à frère ; en d’autres termes, ils se préoccupent avant tout des déviations les plus légères. Là est en effet le nœud du problème. Ces déviations une fois comprises, le reste s’explique aisément. Voyons donc à quelles causes générales peuvent se rattacher les traits individuels et les variétés.

Il n’est guère d’hypothèses auxquelles on n’ait eu recours pour résoudre la question dont il s’agit. On a invoqué tour à tour l’influence des astres, la variété originelle des âmes, et jusqu’à l’intervention directe du diable et de Dieu. Burdach, individualisant en quelque sorte l’espèce, voit dans la diversité de ses représentans la trace des efforts infructueux qu’elle fait pour réaliser son type complet.