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ainsi conduit à admettre que c’est principalement pendant la période embryonnaire que les actions de milieu exercent leur influence, et c’est à elles surtout qu’il faut attribuer les variations de l’espèce. On voit enfin que, sans faire intervenir aucune force spéciale, il est facile de comprendre d’où proviennent non-seulement les traits individuels, non-seulement les différences qui distinguent les parens des fils et les frères des frères, mais encore les déviations les plus considérables accomplies en dehors du type spécifique.

Pour faire jouer au milieu dans la production des variétés, et par suite dans la formation des races, un rôle aussi considérable, nous nous appuyons, on le voit, sur les phénomènes embryogéniques les mieux constatés, les plus universellement admis. En outre, plusieurs faits généraux, une foule de faits particuliers, viennent à l’appui de nos conclusions. — Lorsque les conditions générales du milieu sont identiques, l’espèce se modifie peu et rarement ; lorsque le milieu devient très variable, l’espèce reflète ces variations par la multiplication des variétés et des races, Ainsi s’expliquent la rareté des races sauvages et les grandes distances qui les séparent sur le globe, aussi bien que le grand nombre des variétés et des races qui se pressent autour de l’homme ; ainsi s’explique le retour des races marronnes à une uniformité relative. — Le climat, cet élément si important du milieu, présente du nord au sud des différences bien plus grandes que de l’est à l’ouest, et c’est aussi dans la première de ces directions que les espèces sauvages ou domestiques offrent les modifications les plus nombreuses, les plus caractéristiques. — L’innéité ou toute autre force semblable ne saurait rendre compte de ces faits, car, étant de sa nature primordiale comme l’hérédité, elle devrait comme elle agir dans toutes les circonstances, en dehors de l’intervention de l’homme aussi bien que sous son empire, dans la direction des parallèles tout comme dans celle des méridiens.

Enfin, toutes les fois qu’il nous est possible de saisir quelques relations entre une cause quelconque et l’apparition d’une variété ou la formation d’une race, c’est dans le milieu que nous trouvons cette cause, parfois dans une particularité unique, mais dominante. Toujours aussi nous reconnaissons que la variation qui se montre a pour but d’adapter plus complètement l’espèce au milieu. En général, rien n’est plus facile à constater lorsque ce dernier agit d’une manière directe ; mais il arrive très souvent que l’action s’exerce d’une manière en quelque sorte détournée, et que l’effet qui nous frappe le plus n’est que le résultat final d’une série de phénomènes dont la science peut, dans certains cas, mais non toujours, suivre l’enchaînement.

Les modifications subies par les espèces et les races des régions tempérées quand elles sont transportées dans les pays chauds peuvent