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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/953

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du père. Par conséquent, l’action de ce milieu sera différente à certains égards. — Par suite de ces différences, le milieu peut n’exercer aucune action sur les caractères qui constituent la variété primitive. Dans ce cas, l’hérédité agira seule et les répétera tels qu’ils se sont montrés d’abord. — D’autre part, l’influence du milieu peut être de nature à reproduire ces mêmes caractères, et alors, cette action s’ajoutant à celle de l’hérédité, ils reparaîtront plus marqués dans le fils que dans le père. — Enfin le milieu peut être contraire à la production des caractères dont il s’agit ; alors il y aura lutte entre lui et l’hérédité, et de l’énergie relative ; de la direction des deux forces en présence dépendront l’amoindrissement plus ou moins considérable des caractères de la variété, leur disparition et même leur remplacement par des caractères différens ou opposés.

Les trois cas généraux que nous venons d’indiquer comprennent évidemment tous les cas particuliers possibles : leur répétition, leur succession plus ou moins régulière dans une série de générations rendent compte de tous les faits. Le premier montre comment les races s’établissent parfois du premier coup, le second comment elles se caractérisent progressivement, le troisième comment elles avortent pour ainsi dire à la première génération. L’alternance qui peut s’établir entre eux explique la difficulté que présente parfois la création d’une race. Dans tous les trois, l’hérédité se montre comme exerçant une action constamment la même ; elle se borne à transmettre au fils ce qui existait chez le père. Il n’en est pas de même du milieu. Dans la production des variétés, nous l’avons toujours vu agir comme cause de variation ; dans l’établissement, dans la caractérisation, dans le maintien des races, il joue très souvent le rôle d’un agent de conservation, de stabilité, et ce fait est facile à comprendre. Les causes qui ont amené la modification du type spécifique dans un sens déterminé ne peuvent qu’opposer un obstacle invincible, soit à des modifications en sens contraire, soit au retour à l’état primitif, tant qu’elles continueront d’agir avec la même énergie. La chaleur qui a fait perdre au poulet créole le duvet que ses pères avaient apporté d’Europe ne saurait évidemment ni le lui rendre, ni le remplacer par un vêtement plus chaud. Après avoir déterminé l’apparition de la variété nue, elle conserve la race, qui en perpétue les caractères. De même il est impossible d’admettre qu’après avoir retardé de deux ou trois mois l’époque de la ponte chez l’oie d’Égypte, le froid de nos hivers puisse la rendre plus hâtive ou ramener l’état de choses qui a persisté sur les bords du Nil. Ces faits et tous ceux de même nature que nous pourrions invoquer ont été trop souvent oubliés, et si nous les rappelons avec quelque insistance, c’est que nous aurons à en faire plus tard d’importantes applications à l’histoire de l’homme lui-même.