Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/956

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Non certes. L’homme n’agit sur l’animal qu’à l’aide des deux forces que nous avons trouvées partout jusqu’ici, le milieu et l’hérédité, et si dans certains cas il use de son intelligence pour les diriger et en obtenir des effets déterminés d’avance, souvent aussi il les met en jeu involontairement, et à son insu.

En effet, l’homme, en soumettent une espèce sauvage, transforme presque toutes ses conditions d’existence ; en d’autres termes, il modifie considérablement le milieu où elle avait vécu jusque-là. C’est pour un but d’utilité qu’il les asservit, et l’espèce, pour se plier à ses exigences, perd où acquiert certaines qualités. Le cheval attelé à nos lourdes charrettes, l’âne surchargé de fardeaux, n’ont plus la rapidité de course qui caractérise leurs frères sauvages ; la vache que l’on trait régulièrement a prolongé bien au-delà du terme naturel la sécrétion de son lait. En échange de ces services, l’homme donne des soins aux animaux, et ces soins ont tous pour résultat de les soustraire plus ou moins à l’influence des agens extérieurs, de rendre pour eux plus facile la lutte pour l’existence. Là certainement est la grande cause des différences qui séparent les races sauvages des races qui vivent sous notre empire. Bornons-nous à rappeler quelques traits. Toutes les espèces domestiques sont soumises à une stabulation plus ou moins complète, et chaque peuple pourvoit aux nécessités de la stabulation avec les matériaux qui l’entourent. La nourriture, par exemple, varie avec la contrée. Les bœufs d’Amérique, d’Asie et d’Afrique paissent des herbages très différens ; le mouton des Orcades se nourrit pendant une grande partie de l’année de varechs et de poisson sec ; le chien d’Europe partage tous nos alimens, celui de la Polynésie se nourrit à peu près exclusivement de fruits, et celui des Esquimaux ne mange guère que des poissons. Cette variété dans le régime, jointe à la diversité des climats et du sol, aux mille inégalités de soins donnés aux animaux chez les différens peuples, et même d’une ferme à l’autre, dans les pays les plus avancés, explique sans peine comment, sans intention aucune, l’homme favorise la multiplication des variétés et la formation des races si nombreuses que la même espèce, nous montre dans les différentes régions du globe, et souvent dans des localités séparées par de très faibles distances.

Toutes les forces dont nous venons d’indiquer quelques-unes agissent d’abord sans direction. Bientôt l’homme distingue dans ces produits du hasard les variétés, les races qui peuvent lui être le plus utiles. Il constate le pouvoir de l’hérédité, et sans théorie aucune il choisit pour reproducteurs les individus présentant au plus haut point les caractères qu’il recherche. Cette sélection artificielle a été pratiquée de tout temps. Darwin cite à ce sujet la Genèse, le Chau-king… Sans remonter si haut et sans aller si loin, la pratique