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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/963

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L’absence de sélection artificielle, est certainement pour une très forte part, pour la plus grande sans doute, dans l’uniformité relative que présentent les groupes humains, comparés aux animaux domestiques, mais d’autres causes non moins facilement appréciables concourent au même résultat. Parmi elles, nous citerons en particulier l’ancienneté des races. L’origine des trois grandes races humaines, la blanche, la jaune et la noire, se perd absolument dans la nuit des temps anté-historiques. Nous les retrouvons très nettement représentées sur les plus anciens monumens. Aucune de nos races animales ne peut lutter d’antiquité avec elles, et nous constatons cependant chez les plus anciennes, d’entre elles, chez le pur sang arabe, le cochlani ou kohejle, une résistance aux actions modificatrices, qu’il doit en grande partie à cette ancienneté. Or, même en forçant les chiffres, en acceptant comme vrai tout ce qui a été dit de la pureté de race de certaines familles chevalines, on ne saurait guère reculer l’origine des cochlani au-delà d’un millier d’années. Les races humaines, dans ce qu’elles ont de plus caractérisé, seraient donc au moins six ou sept fois plus anciennes, et trouveraient dans cette circonstance une cause de plus de fixité.

Il est une autre cause, tendant au même résultat, qui exerce certainement une influence bien plus considérable et presque aussi grande que l’absence de sélection. On a vu que l’homme dispose jusqu’à un certain point du milieu et qu’il use de son pouvoir pour conserver et fixer aussi bien que pour diversifier les races animales. Or, de ces deux actions, c’est incontestablement la première qu’il s’applique à peu près toujours à lui-même. Sédentaire, il lutte contre les inégalités de son climat et se défend autant qu’il est en son pouvoir contre les influences extérieures capables de déranger l’équilibre qui fait son bien-être ; émigrant, il transporte avec lui ses mœurs, ses croyances, ses institutions, ses habitudes, et applique son intelligence à se défendre avec plus de soin encore contre le milieu nouveau qu’il affronte. Transporté dans l’Inde ou au Sénégal, l’Européen s’efforce d’échapper à la chaleur qui l’accable et menace sa vie ; fixé en Sibérie ou au Canada, il perfectionne ses moyens de chauffage et se dérobe au froid. Partout, dans cette véritable lutte pour l’existence, l’homme civilisé use de toutes les ressources qu’il tient de la nature et de l’éducation pour se conserver ce qu’il est. Y a-t-il quelque chose d’étrange à ce qu’il réussisse sur lui-même aussi bien que sur les animaux ?

Quand l’homme renonce à ces précautions et se livre à peu près sans défense aux actions de milieu, il ne tarde pas à en éprouver toute la puissance. Des individus adultes, par conséquent moins faciles à modifier, sont toujours plus ou moins atteints, par, des changemens de climat même fort peu considérables. Qui ne sait que la