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au minimum de son développement normal ; la peau devient sèche comme du cuir ; elle perd la chaleur du teint et la rougeur des joues, qui sont remplacées chez l’homme par une teinte limoneuse, et chez la femme par une pâleur fade. La tête se rapetisse et s’arrondit ou devient pointue ; elle se couvre d’une chevelure lisse et foncée en couleur. Le cou s’allonge. On observe un grand développement des os zygomatiques[1] et des masséters[2]. Les fosses temporales sont profondes, les mâchoires massives. Les yeux sont enfoncés dans des cavités très profondes et assez rapprochées l’une de l’autre ; l’iris est foncé, le regard perçant et sauvage. Le corps des os longs s’allonge, principalement à l’extrémité supérieure, si bien que la France et l’Angleterre fabriquent pour l’Amérique des gants à part dont les doigts sont exceptionnellement allongés. Les cavités de ces os sont très rétrécies ; les ongles prennent facilement une forme allongée et pointue. Le bassin de la femme se rapproche de celui de l’homme. » Nous avons cru devoir adoucir quelques traits de cette description. Telle qu’elle est, elle suffit pour démontrer l’exactitude de notre proposition. Elle ne retrace rien moins que le portrait de l’Anglais d’Europe et confirme en tout point les dires des auteurs précédemment cités. En présence d’un tel concours dans le jugement d’hommes qui ne se sont certainement pas donné le mot, il faut bien reconnaître que le milieu américain a modifié le type anglo-saxon, qu’il a enfanté une nouvelle race blanche dérivée de la race anglaise, et qu’on peut nommer la race yankee[3].

Pour que des modifications, ou pareilles ou plus profondes, s’accomplissent dans une race, il n’est même pas nécessaire qu’elle émigré et aille subir au loin les influences qu’exercent un ciel, un climat, une terre étrangère. Elle peut les éprouver sans sortir de chez elle. Il suffit pour cela que ses conditions d’existence soient sérieusement changées. Personne n’ignore avec quelle rapidité dégénèrent nos plus beaux animaux domestiqués par suite d’un défaut de soins continué pendant quelques générations. Il en est exactement de même pour l’homme. Citons ici un exemple frappant rapporté par le docteur Hall dans son introduction à l’ouvrage de Pickering. — « A la suite des guerres de 1641 et 1689 entre l’Angleterre et l’Irlande, de grandes multitudes d’Irlandais furent chassées des comtés d’Armagh

  1. Os de la pommette.
  2. Muscle qui va de l’arcade zygomatique à la mâchoire inférieure, sur le côté des joues.
  3. C’est avec intention que je n’insiste ici que sur les changemens physiques subis en Amérique par la race anglo-saxonne. Les modifications intellectuelles et morales nous présenteraient des faits non moins frappans ; mais l’appréciation en est plus difficile, et les témoignages que je pourrais invoquer pourraient être contestés, tandis qu’il n’y a rien à répondre à une description anatomique.