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et de Down dans une région montagneuse qui s’étend à l’est de la baronie de Flews jusqu’à la mer. Sur un autre point du royaume, la même race fut repoussée dans les comtés de Leitrim, Sligo et Mayo. Depuis cette époque, ces populations ont eu à subir presque constamment les effets désastreux de la faim et de l’ignorance, ces deux grands agens de dégradation. Les descendans de ces exilés se distinguent aisément de leurs frères du comté de Meath et des autres districts où ils n’ont pas été placés dans des conditions physiques de dégradation. Leur bouche est entr’ouverte et projetée en avant ; les dents sont proéminentes, les gencives saillantes, les mâchoires avancées, le nez déprimé. Tous leurs traits portent l’empreinte de la barbarie. Dans le Sligo et la partie nord du Mayo, les conséquences de deux siècles de dégradation et de misère se montrent dans toute l’organisation physique de ces populations, et ont altéré non-seulement, les traits du visage, mais la charpente même du corps. La taille s’est réduite à cinq pieds deux pouces[1] ; le ventre s’est ballonné ; les jambes sont devenues cagneuses ; les traits sont ceux d’un avorton. » — Tout lecteur quelque peu au courant des caractères qui distinguent les races humaines aura reconnu dans cette description, à la couleur près, les traits attribués aux populations nègres les plus inférieures, aux tribus australiennes les plus dégradées.

L’auteur que nous venons de citer ajoute : « Tout le monde sait que dans d’autres parties de l’île, là où la population n’a jamais subi l’influence de ces causes de dégradation, la même race fournit des exemples parfaits de beauté et de vigueur physique et morale. » Ces deux groupes si différens, dont l’un rappelle les peuplades les plus inférieures de l’Australie, dont l’autre supporte la comparaison avec tous les blancs, sont-ils donc de même race ? Non, dirons-nous au docteur Hall. L’Irlandais du comté de Meath représente seul l’ancienne souche. Pour lui, le milieu est resté le même, et il n’a pas changé ; mais l’Irlandais de Flews, soumis à des conditions d’existence tout autres, s’est modifié : il a formé une race nouvelle déivée de la première, et en harmonie avec le déplorable milieu qui lui a donné naissance. Il y a maintenant dans ces contrées si voisines deux races au lieu d’une seule. — C’est du moins ainsi que l’on conclurait s’il s’agissait de moutons, de chevaux ou de bœufs ; c’est donc ainsi que nous conclurons alors qu’il s’agit de l’homme lui-même. Des faits que nous venons d’indiquer, de tous ceux que nous pourrions invoquer encore, il résulté que, placée dans des conditions défavorables, la race la mieux douée perd son rang et tombe

  1. Mesure anglaise ; c’est environ 1m,54.