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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/973

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indiqué, ils persisteront à soutenir que les espèces humaines sont invariables. Dans le premier cas, la doctrine polygéniste se met en contradiction flagrante avec des faits journaliers, connus de tout le monde, tombés dans la pratique industrielle la plus vulgaire, et dont nos études actuelles n’ont fait en réalité que préciser les limites et la portée scientifique auprès de nos lecteurs. Dans le second cas, la doctrine polygéniste fait de l’homme, une exception unique et inexplicable. Forcée de voir en lui un être organisé et vivant, elle n’en affirme pas moins qu’il échappe à des lois qui régissent tous les autres êtres de même nature ; elle le met en dehors de la physiologie générale. Quels argumens apporte-t-elle à l’appui de cette singulière assertion ? Aucun : elle se borne à déclarer qu’il en est ainsi[1] ; mais par cela même il lui faut nier des faits aujourd’hui trop nombreux, appuyés de témoignages trop divers et trop précis, pour pouvoir être mis en doute.

En résumé, la doctrine polygéniste explique la persistance du type égyptien et tous les cas analogues, soit ; mais elle ne saurait rendre compte de la transformation des Irlandais de Flews, de la formation de la race yankee, non plus que de tous les faits semblables. En outre, elle conduit inévitablement soit à séparer l’homme de tous les autres êtres organisés dans des questions où l’identité générale de nature commande la similitude des phénomènes, soit à le maintenir à côté d’eux, mais en attribuant aux animaux des qualités que nous savons positivement leur manquer. — La doctrine moriogéniste, appuyée sur ces actions de milieu qui se manifestent partout, rend compte à la fois de la constance des caractères et de leurs variations ; elle accepte tous les faits constatés et n’est en contradiction avec aucun : elle ne fait de l’homme physique que ce qu’il est réellement, un être organisé et vivant, soumis en cette qualité à toutes les influences, à toutes les lois de la physiologie générale communes à tout ce qui vit. — Jusqu’ici les deux doctrines avaient pu paraître à peu près également fondées ; il était permis d’hésiter. Aujourd’hui il se manifeste entre elles un contraste sérieux, et de nature telle que tout homme libre d’opinion préconçue, et se plaçant uniquement sur le terrain des sciences naturelles, devrait peut-être adopter dès à présent la doctrine de l’unité de l’espèce. Nous ne demandons pourtant pas que le lecteur se décide encore ; nous tenons à lui montrer comment le contraste, déjà si marqué, se prononce de plus en plus, et toujours dans le même sens, à mesure qu’on pénètre davantage dans l’intimité des phénomènes et dans l’application des lois de la physiologie.


A. DE QUATREFAGES.

  1. Voyez les Races of man du docteur Knox.