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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/978

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Parmi ces questions embrouillées, la recherche des origines de la gravure est peut-être celle qui semble avoir le moins lassé la constance des historiens de l’art. Aujourd’hui encore, après tant de longues discussions, de plaidoyers et d’arrêts en tous sens, elle a le privilège de passionner au dehors l’amour-propre national, de susciter en France des efforts d’érudition aussi zélés, aussi patiens que jamais. On pourrait désirer toutefois, il nous paraîtrait en effet préférable que cette persévérance dans l’étude et cette sagacité critique fussent employées à la défense d’intérêts plus généraux et plus actuels. Au moment où la gravure est menacée de si près par la photographie, convient-il de laisser le champ libre à de tels envahissemens pour se réfugier dans le domaine des curiosités archéologiques et s’amuser à y deviner des énigmes ? N’est-ce pas donner raison à ceux qui ne veulent voir dans les œuvres du burin qu’un mode d’expression suranné, un procédé matériel désormais anéanti par le progrès ? Si la gravure a fait son temps, comme on le dit, s’il ne reste plus qu’à prononcer l’oraison funèbre de l’art, parlez-nous du défunt pour consacrer les vertus de son âge viril et non les niaiseries ou les erreurs, de son enfance. Au lieu de rechercher si la gravure, en tant que moyen industriel, est née ici ou là, si certains produits d’une imagerie grossière appartiennent précisément à telle année du XVe siècle ou à telle autre, il y aurait plus d’opportunité à nous expliquer, par les œuvres qu’ont laissées les maîtres, les hautes conditions de la gravure, à nous rappeler ses titres véritables, à faire enfin justice aussi bien des faux progrès que de nos dédains.

Les recherches récentes sur les origines de la gravure ne contribueront pas fort puissamment, je le crains, à corriger nos erreurs sur ce point et à modifier nos tendances. Elles ont en général le tort d’exagérer la valeur des monumens que leur ancienneté seule recommande et d’introduire dans l’histoire de l’art l’élément archéologique à si forte dose que d’autres principes essentiels y demeurent sans influence sensible et sans action. Dans ce nouveau Peintre-GraveurM. Passavant s’est proposé de compléter le vaste travail que Bartsch publiait, il y a près de soixante ans, sous le même titre, la description étendue d’une multitude de pièces infimes ne laisse pas de réduire singulièrement la part qu’il convenait d’attribuer aux témoignages sérieux du talent. En énumérant une à une tant de chétives productions, M. Passavant a prouvé son érudition sans nul doute, mais il a fait preuve aussi d’une partialité regrettable, puisqu’elle tend à nous désintéresser de l’art au profit du métier. Le savant écrivain d’ailleurs ne porte-t-il pas lui-même la peine de cette curiosité excessive ? Son attention, trop longtemps concentrée sur des objets secondaires, se fatigue ensuite et se trouble en face d’objets plus imposans. De là une disproportion, qui autrement serait sans