Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/979

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

excuse, entre les longs commentaires dont il a honoré les moindres essais de tel imagier anonyme et l’examen succinct des travaux dus à la main d’un maître ; de là plus d’un jugement irréfléchi, plus d’une appréciation erronée : témoin la qualification de « dessinateur plein d’esprit » donnée en passant, et comme s’il s’agissait de Cochin ou d’Eisen, à l’un des plus grands artistes italiens, à Mantegna lui-même. Quoi ! il n’avait que « de l’esprit, » celui dont le pinceau nous a légué, entre autres nobles ouvrages, les fresques de l’église degli Eremitani à Padoue, le Triomphe de Jules César à Hampton-Court, la Vierge de la Victoire au musée du Louvre, et dont le burin n’a pas tracé un contour, pas exprimé une forme qui n’atteste l’élévation la plus rare du sentiment et du goût ! Que dire encore de ces lignes si injustement sévères où Girolamo Mocetto, l’élève et quelquefois, le rival de Jean Bellin, est traité tout uniment de graveur malhabile, qui « ne montre aucune finesse ni maîtrise du burin ? » Ne croirait-on pas qu’on a affaire ici à quelqu’un de ces pauvres ouvriers dont M. Passavant nous parlait trop complaisamment tout à l’heure ? Et par quelle singulière contradiction cette inexpérience de l’outil, qui le choque absolument dans des œuvres d’ailleurs magistrales, le trouve-t-elle si indulgent pour les pièces où un pareil défaut apparaît ; sans compensation ? Nous l’avons dit, les préférences que manifeste l’auteur du Peintre-Graveur s’expliquent par ses études mêmes et par ses efforts, un peu plus assidus que de raison, pour ajouter à la somme des faits acquis quelques nouveaux faits historiques. Reste il savoir si la passion archéologique né se complique pas chez lui d’inclinations d’une autre sorte, et si l’empressement patriotique avec lequel il tranche au profit de l’Allemagne les questions douteuses d’origine et de provenance n’est pas aussi préjudiciable parfois à l’autorité de l’écrivain que l’est en général son goût trop exclusif pour l’époque des incunables et pour les petites curiosités de l’imagerie.

Le dernier travail d’un autre érudit que la mort frappait récemment, l’Histoire, publiée par M. Renouvier, de l’origine et des progrès de la gravure dans les Pays-Bas et en Allemagne jusqu’à la fin du quinzième siècle, n’a pas, à beaucoup près, ce caractère d’insuffisance au point de vue de l’art et d’excès dans le sens des développemens scientifiques. On peut dire toutefois que, avec plus de mesure dans les recherches et plus d’équité dans les appréciations, quelque chose se retrouve ici de cette prédilection pour les raretés à laquelle les iconographes devraient d’autant moins s’abandonner aujourd’hui que la popularité s’éloigne davantage des œuvres consacrées et de l’art lui-même. M. Renouvier avait fait ailleurs ses preuves de bon juge et de critique utile. Ses considérations sur les Types et les Manières des maîtres graveurs, — le meilleur ouvrage