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bon vouloir de quelque artisan anonyme : elle est et elle doit rester là où l’ont inscrite la main connue d’un artiste et un burin plus éloquent après tout que la plume des antiquaires. Que ceux-ci s’attachent à prouver que la gravure sur métal n’est guère d’invention plus moderne que la gravure sur bois, qu’ils pâlissent, pour démontrer et fait, sur des études fort étrangères à l’esthétique, libre à eux, pourvu toutefois qu’ils ne triomphent pas plus que de raison de nos préjugés, qu’en faisant justice des erreurs où nous avons pu tomber, ils reconnaissent au moins la légitimité de nos préférences, et que, tout en rétablissant de leur mieux l’ordre chronologique, ils distinguent et nous permettent de distinguer entre les mérites des pièces qui le déterminent.

Le livre publié par M. Passavant n’exprime pas suffisamment, à notre avis, cette partialité nécessaire pour les belles œuvres, ou plutôt il a ce défaut de mettre trop complaisamment en vue des œuvres d’un caractère tout contraire. Il semble qu’en écrivant l’histoire des origines de l’art, l’auteur du Peintre-Graveur ait voulu tenir compte seulement des faits ou des documens inédits, et que, de peur d’avoir trop peu à nous apprendre, il se soit exagéré à lui-même le nombre des découvertes qu’il lui fallait faire et des preuves nouvelles qu’il devait fournir. Le tout d’ailleurs est-il parfaitement concluant ? Ressort-il toujours des témoignages invoqués par M. Passavant que la pratique de la gravure sur métal remonte aussi loin qu’il l’affirme ? Et, quant à la question de nationalité, l’examen des pièces sur lesquelles il se fonde pour revendiquer les droits de l’Allemagne n’autorise-t-il point au moins quelquefois le doute ? La Vierge datée de 1451, par exemple, dont le savant allemand n’hésite pas à faire honneur à son pays, pourrait être attribuée avec tout autant de vraisemblance à l’école des Pays-Bas, qu’elle rappelle par certaines particularités du style. Rien de plus délicat au surplus, rien de plus difficile, en face de ces productions primitives, que de se prononcer avec certitude et de restituer son bien à qui de droit. Peut-être, dans la répartition des essais anonymes de la gravure sur métal, la meilleure part devrait-elle revenir a ceux qui travaillaient là où l’orfèvrerie, la peinture, la xylographie, étaient déjà pratiquées avec une habileté exceptionnelle ; peut-être les graveurs néerlandais placés sous l’influence directe des van Eyck ou des disciples que ceux-ci avaient formés ne laissèrent-ils pas de participer au progrès général de l’art dans leur pays, et transmirent-ils dès le début des leçons et des modèles aux graveurs nés de l’autre côté du Rhin. On serait d’autant mieux autorisé à le penser qu’au bout de peu d’années l’action de l’art des Pays-Bas sur l’art allemand devient manifeste, et que celui-ci, à mesure qu’il se développe, s’inspire