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Dès l’année 1465, c’est au nouveau procédé qu’on avait eu recours pour assurer une publicité plus vaste aux calendriers. En un mot, dans tous les cas où la miniature et la calligraphie étaient naguère en usage, l’emploi de la gravure se généralise si vite et si bien, qu’avant la fin du XVe siècle un miniaturiste siennois, Bernardino di Michel Angelo Giagnoni, se lamentant sur son inaction absolue et sur celle de ses confrères, n’hésite déjà plus à désespérer de l’avenir : « Les gens de mon métier, écrit-il, n’ont aucune occasion de travailler. Notre art est détruit, tout le monde n’ayant plus de goût que pour les livres où le talent des miniaturistes n’a que faire[1]. » C’était là un malheur sans doute, mais en supprimant presque complètement l’art de la miniature, art qui durant le moyen âge avait, en France surtout, produit tant de petits chefs-d’œuvre, la gravure inaugurait une période si féconde à d’autres égards, elle fournissait à la pensée humaine des formes d’expression si nettes, des moyens de publicité si sûrs, qu’on devait trouver dans un pareil progrès une compensation suffisante au vide qui allait se faire ailleurs. Notre école en particulier put se consoler de n’avoir plus des Jean Fouquet quand elle eut vu se succéder les Morin, les Audran et tant d’autres savans graveurs. — Mais revenons au moment où l’art en est encore à essayer ses forces, alors que, soit hasard, soit génie, soit enfin simple perfectionnement d’une opération tentée par d’autres mains, un orfèvre de Florence vient de réussir à fixer sur le papier l’empreinte d’une plaque d’argent dont les tailles gravées en creux ont été préalablement remplies de noir.

Nous l’avons dit plus haut, l’honneur principal de Finiguerra n’est pas d’avoir trouvé la solution matérielle du problème. Parmi les Italiens, personne avant lui sans doute ne s’était avisé d’imprimer un ouvrage gravé sur métal, et, dans son pays du moins, il eut ainsi le mérite de l’initiative. Toutefois l’invention du procédé dans le sens littéral et absolu du mot, l’idée de multiplier par l’impression les travaux creusés par le burin n’appartient pas à lui seul, et si, même à l’insu de ce qui se passait ailleurs, il tenta le premier à Florence, il décida cette révolution dans l’art, d’autres à l’étranger l’avaient déjà préparée ; d’autres, pour les besoins de leur métier, s’étaient déjà servis du moyen où il allait trouver, lui, pour le talent, un auxiliaire et une forme d’expression nouvelle. La vraie gloire de Finiguerra consiste dans l’autorité imprévue avec laquelle il détermina ce progrès. La vraie date des commencemens de la gravure n’est pas celle qu’on lit ou qu’on devine sur telle feuille de papier plus vieille de quelques années que les nielles florentins, sur tel monument récemment découvert de l’ignorance ou du sauvage

  1. Gayo, Carteggio inedito d’artisti, tome Ier.