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ESSAIS ET NOTICES
LE PROGRES AGRICOLE DANS LE BOCAGE.


La partie de l’ouest de la France qui a été le théâtre principal de la guerre de Vendée, et qui est connue sous le nom de Bocage, présente depuis quelques années un spectacle inattendu, sur lequel il convient peut-être d’appeler l’attention des amis de l’agriculture. Cette heureuse transformation s’est accomplie avec une singulière rapidité, si l’on tient compte des difficultés de toute nature qu’il a fallu vaincre. Le Bocage se compose principalement de la partie nord du département des Deux-Sèvres et de la plus grande partie de celui de la Vendée. Le plateau granitique et schisteux sur lequel il est assis empiète un peu sur les départemens de Maine-et-Loire et de la Loire-Inférieure. Dans les plaines calcaires qui l’environnent, on désigne encore toute cette contrée par son vieux nom de Gâtine. L’étymologie du mot n’est pas douteuse : c’était en effet un pays gâté, perdu, presque impraticable. Le nom de routes stratégiques que portent les premières voies percées dans la Gâtine après 1830 indique assez l’idée principale qui les a fait créer. Le réseau de chemins construits plus tard, en exécution de la loi du 21 mai 1836, en permettant aux esprits de s’éclairer, au commerce de se développer, a suffi pour écarter toute crainte de troubles politiques. Des intérêts nouveaux, un commencement de bien-être relatif, ont affaibli dans une partie de la population, éteint chez le reste, les passions d’un autre temps. Aujourd’hui les paysans du Bocage, comprenant l’avantage qu’ils ont à savoir lire et écrire pour faire leurs affaires, envoient leurs enfans à l’école. La génération qui grandit voudra s’instruire des intérêts généraux de la France, parce que la sphère de ses relations se sera étendue. Une rapide description de l’état actuel du Bocage montrera ce qu’on peut attendre de lui.

Le sol du Bocage est riche. Il y a vingt ans, c’était une grande nouveauté, je ne dirai pas seulement pour ceux qui habitaient sur les confins de la contrée, mais pour ses propres habitans, pour ceux dont la vie s’était passée à fouiller cette terre qu’ils qualifiaient d’ingrate, et qui s’étaient habitués à n’en cultiver qu’à de longs intervalles les portions les plus fertiles. Aujourd’hui c’est une vérité assez bien démontrée pour qu’il soit facile d’assigner le jour où il ne restera pas un mètre carré de terrain qui n’ait été défoncé par la charrue. Le sol n’est pas seulement riche, il est merveilleusement approprié par sa constitution géologique, par les accidens de sa surface, à une production facile de céréales et de plantes fourragères. Comme son nom l’indique, le Bocage est couvert d’arbres. Le chêne est l’essence la plus répandue. Quelques-uns de ces arbres, abandonnés complètement à eux-mêmes, vierges des atteintes de la hache de l’élagueur, sont de remarquables