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professeur et non pas moi. La devineresse, qui n’avait vu ni lui ni moi, demanda qu’on lui donnât un de nos vêtemens ; elle dit de mon frère, : il sera prêtre ; et de moi : celui-ci sera professeur, voyagera au loin, et deviendra plus célèbre qu’aucun de ses compatriotes, et elle en jura. Ma mère, pour la tromper, lui donna un de mes vêtemens en disant qu’il était à mon frère : « Non, dit-elle, ceci appartient au futur professeur. »

« Avertissemens. — Ma chambre était d’un côté de la salle, et celle de ma femme de l’autre. Elle m’entend, avec cinq ou six personnes, entrer dans la salle, ouvrir ma chambre, y entrer aussi, puis en sortir et fermer derrière moi ; elle croit que j’ai été déposer mon chapeau et mon manteau et que je me prépare à l’aller trouver. En effet, j’arrive une demi-heure après. — Cela est arrivé non pas une, mais cent fois.

« Dans la nuit du 12 au 13 juillet 1765, à minuit, ma femme entend aller et venir d’un pas fort pesant dans mon cabinet ; elle m’éveille ; j’entends aussi ; je savais cependant qu’il n’y avait personne ; les portes étaient bien fermées, et j’avais la clé. J’appris quelques jours après que mon bien cher ami Charles Clerk était mort cette nuit-là à la ville, et véritablement c’était bien son pas. Si c’eût été à Stockholm, j’aurais immédiatement reconnu sa manière de marcher.

« Riesell, doyen à Philipstad, avait beaucoup d’enfans. Une nuit sa femme voit entrer un enfant qui va mettre une robe blanche dans la cassette de sa fille aînée, âgée de quatorze ans ; elle se lève, court au lit de sa fille et lui demande si elle dort. « Non, ma mère, répond celle-ci ; j’ai vu le petit enfant qui a mis mon linceul dans ma cassette. » Le lendemain, cette petite fille dit au précepteur : « Il y a dans le jardin une pie qui crie toujours ; il faut la tuer. » Il prend son fusil, mais laisse maladroitement partir le coup, qui va tuer la jeune fille. — Un de ses oncles, le professeur Riesell, me l’a attesté.

« Fantômes. — On en cite dans tous les temps, même dans les temps fabuleux. Maintenant on n’en parle plus dans les grandes villes, mais dans toutes les campagnes on les connaît bien. Je n’en ai pas vu, et de mille histoires, à vrai dire, il n’y en a peut-être pas une véritable.

« Pourquoi voit-on des fantômes la nuit et non pas le jour ? Est-ce par la même raison qui fait qu’on ne voit point les étoiles en plein midi ?

« Songes. — On dit que les songes n’ont aucun sens ; pour moi, il ne m’arrive jamais de rêver de mort ou de sépulture sans que le lendemain à point nommé je me mette en colère. J’en ai fait cinq fois déjà l’expérience, et jamais cela n’a manqué. Ce matin même, avant de me réveiller, j’ai vu en rêve un enterrement dans la maison. J’étais donc sur mes gardes, et j’étais résolu à ne pas me mettre en colère, lorsque, vers le midi, ma femme me répondit brusquement et de mauvaise humeur. Je n’y tins pas. — Ce 15 novembre 1765.

« La révolte de la princesse Élisabeth de Russie était résolue pour le milieu de janvier 1742 ; on envoie donc notre armée en Finlande sous la conduite