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maturité. Afin d’en augmenter le poids, ils ne craignent pas de mélanger au reste de leur récolte le coton cru et sans consistance qu’ils ont arraché, après dessiccation, à la capsule retirée du four : opération qui énerve la fibre.

Aussi ce lainage est-il classé très sévèrement, et le prix en varie-t-il suivant le degré de netteté. Il ne serait point difficile d’introduire dans les Indes britanniques la culture d’un coton répondant aux besoins du Yorkshire et du Lancashire, c’est-à-dire de soie moyenne, et tenant une place utile entre les georgie et les jumel. Les variétés upland, new-orleans, louisiane, y viendraient très bien. Il ne s’agit que de consulter les influences climatériques des contrées qui s’étendent du pied de l’Himalaya au sud des possessions anglaises, et le choix n’y est pas limité. Dans l’état d’excitement auquel s’est élevé le public en Angleterre, on a lieu de croire que le mouvement est sérieux. Les capitaux ne feront défaut à aucun projet raisonnable, on peut en être certain, surtout lorsqu’il s’agit des Indes, cet enfant gâté des îles britanniques, et si le succès ne couronne pas immédiatement l’œuvre, ce ne sera pas au manque d’argent qu’il faudra s’en prendre. Il sera bon cependant que John Bull ne se croie pas infaillible, et qu’il n’oublie pas trop ce vieux dicton : Laisser l’Allemagne aux Allemands. Les Anglais ne croient volontiers qu’en eux et n’ont confiance qu’en eux. L’étranger homme de probité et de talent n’est souvent à leurs yeux qu’un foreigner, c’est-à-dire un être nécessiteux, ne connaissant rien et toujours prêt à lever le pied. Forts de cette maxime, les directeurs de compagnies, les chefs de grandes entreprises, n’envoient la plupart du temps au-delà des mers, pour soigner des intérêts ordinairement très importans, que des régnicoles hautement recommandés par quelque influence de famille ou de clocher, sans expérience aucune, raides, et s’efforçant de conduire les affaires au moyen de statuts préparés à Londres par quelque obscur lawyer[1], ou les abandonnant aux mains de subalternes qui en savent assez long pour s’enrichir en très peu de temps. Il serait temps de se mettre en garde contre les déceptions coûteuses, si fréquentes en Angleterre dans le monde des affaires, qu’entraîne à sa suite un système orgueilleux d’exclusion.

Nous appellerons plus particulièrement l’attention des financiers et des manufacturiers anglais disposés à encourager la culture du coton dans les possessions indo-britanniques sur la province du

  1. Homme de loi. Les Anglais, si intelligens en affaires, n’entendent rien aux complications qu’elles provoquent, pas plus qu’aux questions de détail dont elles ne peuvent être séparées. Aussi ne savent-ils rédiger le moindre document, ni faire un pas sans le secours d’un homme de loi, qui, sept fois sur dix, profite largement de cet état de sevrage de la communauté.