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et de leurs intérêts moraux que les Italiens payaient, pour le plaisir des touristes étrangers, leur morcellement : c’était aussi au prix de leurs intérêts matériels. Tout le monde sait de quel surcroît de frais généraux l’entretien des petites cours grevait le gouvernement de l’Italie, et quelle négligence ces petites cours, à peu d’exceptions près, apportaient dans l’administration des ressources naturelles de la péninsule. L’unité était nécessaire au développement industriel et commercial de l’Italie : elle augmentera sa richesse. Si l’unité a cette conséquence, — et on peut la tenir pour certaine, — les intérêts français auront encore à ce point de vue leur part de profit dans les avantages qui seront aussi assurés à l’Italie, Nous sommes en effet à une époque où il n’est plus permis d’ignorer que les progrès matériels d’un peuple profitent à tous les peuples. Enfin, pour répondre d’un mot à l’objection utilitaire et soi-disant patriotique que l’on oppose à l’unité de l’Italie, les libéraux français peuvent s’élever à une considération supérieure, — au principe même qui commande aux peuples de respecter mutuellement leur autonomie dans la sphère de leur organisation particulière. Que l’Italie forme une fédération ou se condense en une forte monarchie, la chose ne nous regarde point, elle ne regarde que les Italiens. L’expérience qu’ils poursuivent doit dépendre d’eux seuls ; à cette unique condition, la responsabilité de l’échec ou du succès sera concentrée sur eux, et nous pourrons conserver le droit de nous tenir à l’écart de leurs querelles intestines ou étrangères. Telle est la politique de justice et de bon sens que l’Angleterre professe dans les affaires italiennes ; puisqu’on fait appel aux intérêts français, pourquoi viendrait-on nous recommander une politique différente ? Étranges appréciateurs des intérêts français que ceux qui voudraient gratuitement nous faire perdre le bénéfice de tout ce que nous avons fait pour l’Italie, et cela apparemment au profit des Anglais, qui recueilleraient à notre détriment la moisson qu’ils n’ont point semée !

Ainsi, dans ce débat final entre l’Italie et la papauté, le libéralisme français ne peut transiger ni avec l’objection religieuse, ni avec l’objection diplomatique, ni avec l’objection utilitaire, à l’aide desquelles certaines personnes qui se croient libérales combattent parmi nous les vœux de l’Italie. Nous respectons la sincérité de ces personnes, nous comprenons l’illusion qu’elles se font à elles-mêmes, et la surprise qu’elles éprouveraient, si l’on venait à mettre en doute leur libéralisme. C’est qu’il y a deux choses dans la cause libérale, les questions de fond et les questions de forme. La question de forme par excellence est celle qui est engagée dans le système d’institutions par lequel la France est régie. L’intervention de l’opinion publique dans la conduite des affaires au moyen de la liberté de la presse, la participation du pays à la direction de la politique générale au moyen des assemblées représentatives élues sous l’influence de la libre concurrence des opinions dans l’arène électorale, voilà, sur la question de forme, les vœux du libéralisme. En dehors de cette question de forme, il y a encore