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des audiences ultérieures, qu’il espérait du prince, les exposés spéciaux qui intéressaient particulièrement sa mission.

Sa double qualité d’envoyé d’une province importante et de philosophe déjà célèbre avait pu faire croire à Synésius qu’il trouverait à la cour de Constantinople un accès facile : quelques heures suffirent à le détromper, On montra peu d’empressement pour un homme qui venait demander des réductions d’impôts, et non-seulement le cabinet impérial lui fut fermé, mais la demeure des ministres et des grands. Il se vit réduit à coucher en plein air dans le voisinage du palais, sur un tapis d’Égypte, pour guetter l’heure matinale où quelque haut personnage recevait les salutations de sa clientèle et se glisser à la suite : ce tapis devint plus tard une relique que réclama un ami du philosophe. Tant de mécomptes et de rebuts affligèrent son âme honnête et mélancolique, plus faite pour la méditation que pour la pratique des affaires ; une terreur superstitieuse s’empara de lui ; il se crut en butte à des maléfices, aux persécutions d’un esprit malfaisant suscité par ses ennemis (superstition que les platoniciens partageaient avec le vulgaire), et, ne sachant à qui s’adresser, il visitait tantôt les églises, tantôt les temples païens, suppliant avec larmes ici les génies autochthones de la Thrace, là les élus du ciel chrétien, de lui laisser accomplir sa mission. Lui-même, dans un de ses poèmes, nous décrit ce bizarre état de son âme. Au défaut des saints ou des démons, la science lui tendit la main. Un professeur de Constantinople, en faveur près d’Arcadius, le recommanda au jeune prince. Un riche tachygraphe du sénat, qui de son palais situé sur le Bosphore aimait à observer les astres (Synésius avait écrit sur l’astronomie), l’aida à balayer les chiens qui aboyaient contre lui, ce sont ses propres expressions ; un bel astrolabe d’argent récompensa plus tard ce service. Grâce à de si complaisans amis, il reçut enfin la lettre d’audience tant désirée.

Durant ces longues hésitations, on avait appris à connaître Synésius, et l’empereur, environné de sa cour, accueillit avec distinction le philosophe descendant d’Hercule. Supposant peut-être que le manteau du sage donnerait plus de poids aux vérités qu’il allait faire entendre, celui-ci avait revêtu l’habit de sa secte. L’assistance était nombreuse et moins bien disposée que le prince, car elle fit éclater, à ce que l’orateur lui-même nous dit, certains signes de mécontentement qui ne le démontèrent point. On sera peu surpris de cette désapprobation si l’on pense que parmi les assistans se trouvaient peut-être Eutrope et Gaïnas, et très certainement beaucoup de leurs partisans.

La harangue roula sur les conditions d’un bon gouvernement et sur l’éducation d’un bon prince, c’est-à-dire qu’elle fut la critique