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Holstein avec un autre duc que le prince légitime ; — il avait su tout cela pour en avoir été tout au moins le spectateur, — et pourtant M. de Schleinitz défiait qu’on lui citât un seul fait de nature à prouver que les sujets allemands du roi de Danemark eussent jamais méconnu son autorité ! C’était évidemment de l’ironie.

Nous n’avons pas dessein de discuter ici dans le détail toutes les difficultés particulières qui défraient la correspondance échangée depuis un an entre les cabinets de Copenhague et de Berlin. En résumé, M. de Schleinitz affirmait que le roi de Danemark avait pris formellement au sujet du Slesvig un triple engagement : 1° celui de ne pas incorporer ce duché dans le royaume de Danemark ; 2° celui de maintenir pour chacune des parties de l’état d’ensemble, et par conséquent pour le Slesvig, l’indépendance et l’égalité de droits dans la monarchie ; 3° celui enfin de conserver l’égalité de droits entre les deux nationalités danoise et allemande dans le duché de Slesvig. Il disait que ces trois engagemens étaient ou mal exécutés ou violés ; il prétendait par exemple que c’était une tentative réelle vers l’incorporation du Slesvig dans le royaume que le maintien d’un conseil commun (rigsraad) où ne paraissaient plus que les députés du royaume et du Slesvig après la suspension de la constitution commune pour le Holstein et le Lauenbourg, suspension prononcée à l’instigation même et sur les exigences de l’Allemagne, ce qui n’était pas soutenable en vérité. Sans nous perdre dans ces discussions, il nous suffit, pour le point de vue général où nous nous sommes placé, d’avoir montré comment, non contente de faire invasion, par le moyen du Holstein et de la constitution commune, dans les affaires intérieures de la monarchie danoise, la confédération germanique s’arrogeait, sur le fondement d’une interprétation tout arbitraire, une influence dans les affaires intérieures du Slesvig lui-même, c’est-à-dire d’une province de la monarchie danoise qui ne devait rien avoir de commun avec l’Allemagne. C’est tout ce que nous voulions établir et faire comprendre. — C’est aussi, après ce que nous avons dit du péril et de l’impossibilité d’une constitution commune, le second point important. La première difficulté ne subsiste même que par la seconde. L’organisation des rapports du Slesvig avec le Danemark d’une part, avec le Holstein, c’est-à-dire avec l’Allemagne, de l’autre, voilà, à proprement parler, le fond de la question. M. Hall l’a fort nettement résumée tout entière par ce mot d’une de ses dépêches : « Il faut prendre garde que le point de gravité du Danemark ne se déplace du côté de l’Allemagne… Si la conquête, d’abord morale, ensuite politique, du Slesvig en faveur de l’unité allemande réussissait, le Danemark n’existerait plus comme monarchie indépendante. »