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Si le lecteur a compris par quelle double ouverture l’Allemagne s’ingère illégalement dans les affaires de la monarchie danoise, et s’il a saisi dans toute son étendue le péril d’une telle ingérence, qui, en déplaçant le centre de gravité de cette monarchie, la dissout inévitablement, le véritable but de ce travail est atteint, et nous pouvons formuler, sans crainte de paraître obscur, la seule solution qui puisse, à notre avis, sauver le Danemark, et rétablir sur ce point de l’Europe la justice foulée aux pieds.


III

La résolution prise par la diète de Francfort dans sa séance du 7 février 1861 comprend trois points. Elle refuse de reconnaître comme valables pour le Holstein et le Lauenbourg les lois de finance communes tant qu’elles n’ont pas obtenu le consentement des états provinciaux. Même déclaration pour les lois communes, de quelque nature qu’elles soient. Si enfin le Danemark n’a point fait avant six semaines une réponse satisfaisante, la diète fédérale procédera à l’exécution déjà préparée par l’arrêté fédéral du 12 août 1858. Il est vrai qu’il ne s’agit que d’un provisoire, en attendant que la constitution commune, suspendue le 6 novembre 1858 sur la demande de l’Allemagne pour le Holstein et le Lauenbourg, soit réédifiée ; mais nous avons démontré que la concession qu’on demande au Danemark consacrerait l’intrusion de l’influence allemande au cœur même de la monarchie danoise, que le Holstein, devenu une partie maîtresse de l’état, entraînerait facilement vers lui le Slesvig, et qu’enfin, suivant l’expression de M. Hall, le centre de gravité de la monarchie, désormais déplacé, la précipiterait infailliblement, après un temps plus ou moins court, sous la domination complète de l’Allemagne. Une fois cette concession faite, le provisoire risquerait de durer fort longtemps, grâce aux difficultés réelles d’une refonte de la constitution commune et grâce aux retards que les états ; holsteinois ne manqueraient pas de susciter. Ainsi, ne s’agît-il même que de ce provisoire, le Danemark ne saurait accepter sans se livrer. — Indépendamment de ces difficultés temporaires, la constitution commune, qui subsiste virtuellement, offre, nous l’avons dit, et continuera d’offrir, en dépit de toutes les combinaisons imaginables,’ une porte toujours ouverte à l’Allemagne pour s’immiscer dans les affaires intérieures du Danemark. — Enfin la situation mal définie du Slesvig, non incorporé au royaume proprement dit, mal séparé du Holstein allemand, qui lui glisse à l’oreille tous les mauvais conseils venus de Berlin et de Francfort, est encore un perpétuel danger.