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son sang. Votre ancien, qui vous voit désarmé, prend charitablement la suite de vos affaires. Il pousse au monstre, l’atteint au moment où il se retourne pour faire tête, et, le frappant à la naissance de son énorme encolure, lui porte le coup de grâce. L’animal farouche tombe sur le dos et meurt comme un porc sauvage seul sait mourir, — sans pousser la moindre plainte.

Le dénoûment peut être tout différent ; si par exemple vous avez affaire à un animal des montagnes habitué, en certaines saisons, à faire chaque nuit quarante ou cinquante milles pour aller chercher pâture, et si vous êtes dans une région accidentée, pierreuse, où les broussailles abondent, dom pourceau, profitant alors de ses avantages, vous distancera, et vous laissera fort penauds sur vos montures écloppées : bien heureux encore si quelque cavalier ou quelque cheval n’a pas reçu en pleines chairs un coup de boutoir bien appliqué ; car le pourceau dont je vous parle, vrai sanglier après tout, est un animal belliqueux, qui court encore les entrailles traversées, et combat, mourant, comme en pleine santé. « Je l’ai vu boire entre deux tigres, » me disait un shikaree indigène, et je crois qu’il ne mentait pas. Du moins suis-je bien certain de ceci : après avoir entendu la nuit, dans le jungle, la lutte d’un tigre et d’un wild-hog, je les ai trouvés au matin morts à côté l’un de l’autre.

Dans les plaines, la chasse dont je vous parle se fait sans chiens ; dans les jungles, une meute est indispensable pour retrouver la piste de l’animal blessé ou le cadavre de l’animal mort. Si vous ne l’avez pas, il faut risquer à pied cette recherche périlleuse ; n’emportez pas alors d’armes à feu : la lance et le sabre vous feront moins défaut que le fusil ou le rifle.

De toutes nos chasses indiennes, celle-ci est la plus économique. Une bonne jument arabe vous coûtera de 900 à 950 roupies (2,250 ou 2,375 francs) ; au surplus, le prix dépend du poids que vous comptez imposer à votre monture. À Bombay, pour 600 roupies (1,500 francs), vous avez, — vous aviez du moins il y a quelques années, — un arabe capable de porter en chasse onze stones et demie (161 livres anglaises) ; par chaque stone supplémentaire, il fallait ajouter 20 livres sterling (500 francs). Il y a aussi le chapitre des occasions. Une vente aux enchères à Hyderabad me procura naguère un excellent poney pour la modique somme de 100 roupies. Du haut de ce brave petit animal, j’ai piqué, sans parler des sangliers, quelques hyènes et quelques ours. Je lui aurais, je crois, fait aborder un tigre, tant il avait d’élan et de courage.

Puisque le mot est lâché, parlons chasse au tigre ; mais auparavant un mot sur les aides humains qu’elle nécessite : il vous faut au moins deux shikarees indigènes, et les bien choisir n’est pas