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— Amis, fasse le ciel qu’elle se soit trompée !

« Lorsque la vierge pâle au tombeau descendit,
J’eus froid ; je m’éveillai sous le poids de la terre !
Parlez, révélez-moi tout ce que me prédit
Votre hésitation austère. »

Les vieillards murmuraient : « Essayons de nous taire. »

« Reine, dit l’un, le ciel te donne de longs jours !
L’avenir a parlé sans doute, mais le songe
Est obscur ; je voudrais implorer le secours
Des grands dieux dont la bouche ignore le mensonge. »

 — Et toi, sais-tu le sens du rêve qui me ronge ?

« Reine, vive à jamais ton nom victorieux !
Répondit le second. Il ne faut pas tout croire ;
Tous les rêves des rois ne viennent pas des dieux.
Peut-être on t’aura lu quelque funèbre histoire ? »

 — Vieillard, je n’ai rien lu, je n’en ai pas mémoire.

« Eh bien donc ! il est temps que tes vœux soient remplis,
Reine, » dit un ascète à l’imposant visage,
Dont le front soucieux portait autant de plis
Que la mer a de flots sous un souffle d’orage.

 — Parle, j’ai le cœur ferme, et ce délai m’outrage.
« Ton rêve est menaçant ; la chute de ces fleurs
Qui tombent dans l’air calme avant d’être fanées
Annonce, je le crains, de précoces malheurs
Et le brusque déclin des heures fortunées. »

 — Adieu, beaux ans ! Salut, mes dernières journées !

« Écoute encore, enfant. Il ne faut pas pleurer.
Ce rêve est menaçant : prévenons-en les suites.
À ton sort le ciel juste aurait pu te livrer ;
S’il te le laisse voir, c’est pour que tu l’évites. »

 — Nos fortunes là-haut sont par les dieux écrites !

« Élève ton esprit, reine ; brave le sort,
Et sur le mal naissant applique le remède.
Déguisée en amour, plane sur toi la mort ;
Ferme donc ton palais au spectre qui t’obsède ! »