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de leurs vœux et assistés de leur influence à leurs débuts. Ils croient volontiers que ces pouvoirs dont ils ont favorisé la naissance sont leur œuvre ; il leur semble qu’ils leur sont unis par une sorte de pacte tacite dont les conditions sous-entendues sont la sauvegarde de leurs intérêts. Ils sont, toujours prêts à renvoyer à ces pouvoirs la fière réplique, « qui t’a fait roi ? » de ce vassal à qui un roi parvenu demandait : « qui t’a fait comte ? » Telle était la position que le parti clérical croyait avoir prise vis-à-vis du gouvernement issu du coup d’état du 2 décembre. Il était d’autant moins enclin à en diminuer à ses yeux l’importance, que, dans un pays où en dehors de l’état il n’y a pas d’autre force organisée que celle de l’église, ce parti affectait de s’appuyer sur une immense organisation ecclésiastique assurée de son indépendance vis-à-vis de l’état par les rapports étroits qui la lient à la puissance spirituelle du pontificat romain.

Le parti clérical était-il l’unique auteur de l’illusion dont il a fini par être dupe ? Il chassait loin de lui de tels doutes. Comme pour redoubler sa foi dans l’alliance qu’il avait contractée, il multipliait les témoignages de sa confiance, les hommages de son dévouement. De là les insultes prodiguées par ses organes ordinaires à toutes les aspirations libérales. De là encore ces manifestations imposantes du clergé auxquelles il a été fait allusion dans les récens débats : ce concours de soixante-quinze évêques au baptême du prince impérial, dont le pape était le parrain, cette milice de prêtres faisant cortège à l’archevêque de Rennes pendant le voyage de l’empereur en Bretagne et le pèlerinage à Notre-Dame d’Auray. Le parti clérical avait-il le droit d’exiger du gouvernement tout ce qu’il en espérait ? Témoins impartiaux, nous ne nous chargeons point de prononcer sur des prétentions si délicates. Il nous suffit de constater que le parti clérical se croyait d’autant plus sûr des faveurs du gouvernement qu’il s’était plus vivement engagé dans sa cause. Il nous suffit d’expliquer par l’excès même de son illusion, ou naturelle ou arbitraire, la profondeur de la déception ressentie par lui devant l’issue des affaires romaines.

Nous reconnaissons en outre que les promesses faites au commencement de la campagne d’Italie, rapprochées de la conduite politique suivie plus tard par le gouvernement français et des résultats maintenant accomplis dans la péninsule, ont dû accroître le désappointement et l’irritation qui se révèlent surtout dans les discours prononcés à la chambre des députés. On a dit aux catholiques que l’indépendance serait rendue à l’Italie sans que le pouvoir temporel du pape fût ébranlé. Le gouvernement, par cette promesse, s’est créé d’inextricables embarras, car il promettait ce qu’il ne pouvait pas tenir. La contradiction qui entrait ainsi dans la politique française était si flagrante, qu’aucun esprit sagace ne pouvait se tromper sur le. dénoûment inévitable. Nous-mêmes, depuis deux ans, sans nous piquer d’être prophètes, nous en avons signalé à nos lecteurs la nécessité fatale. Ceux qui sont placés à notre point de vue ont certes le droit de dire au parti catholique que son désappointement actuel n’est que la conséquence