Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/507

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par l’armée piémontaise ? Ou il faut renoncer à la discussion politique, ou il y faut reconnaître l’autorité de la logique. C’est dans la définition des principes et dans l’application logique que l’on en fait que réside la bonne foi des controverses. Si l’armée piémontaise, en pénétrant dans les états du pape, entrait effectivement chez elle, elle ne faisait pas acte d’intervention ou d’agression, et nous-mêmes nous n’eussions pu nous opposer à sa marche sans faire acte d’intervention. Réciproquement, si les états du pape formaient une souveraineté distincte du Piémont, en y entrant, les Piémontais faisaient acte de guerre. La France, en s’opposant à cet acte, serait simplement venue au secours d’un allié, et n’aurait violé nullement le principe de non-intervention. Que les orateurs du gouvernement y prennent donc garde : en cherchant à couvrir du principe de non-intervention l’abstention du gouvernement français devant l’occupation des Marches et de l’Ombrie, ils font une confusion qui se retourne contre eux : Soutenir que nous avons été arrêtés par le principe de non-intervention, ce serait admettre que le débat entre le pape et le Piémont était l’affaire intérieure d’un même peuple et d’un même état, ce serait reconnaître, virtuellement et implicitement l’unité de l’Italie, qu’ils se défendent encore d’accepter à l’heure qu’il est. Il faut donc écarter du débat ce mauvais argument, appuyé sur une interprétation erronée et une fausse application du principe de non-intervention. Les mauvaises raisons ne servent qu’à aigrir la dispute, et l’on doit convenir que le parti catholique n’a que de trop nombreux motifs d’amertume. Il n’est pas nécessaire de parler du triste malentendu de Chambéry : l’inaction seule de la politique française pendant l’attaque des états de l’église autorise les catholiques à établir des comparaisons douloureuses pour eux. Le prétexte de l’envahissement des états du pape a été le même que celui dont l’Autriche s’était servie pour déclarer la guerre au Piémont. Dans les deux cas, l’agresseur reprochait à celui qu’il allait combattre la formation de corps de volontaires étrangers sur sa frontière. Quand le reproche vint de l’Autriche au Piémont, la France ne craignit pas de passer les Alpes et de risquer une grande guerre pour protéger son allié. Quand le reproche vint du Piémont au pape, la France se contenta de rappeler de Turin son ministre et de laisser battre la petite troupe de recrues de son allié, d’un allié dont le pouvoir, nous l’avions déclaré, ne devait pas être ébranlé. Ce contraste n’est-il pas assez cruel pour les catholiques ? Pourquoi y ajouter l’ironie du prétexte illusoire de la non-intervention, ironie d’autant plus poignante, que, présens à Rome avec une armée de vingt mille hommes, nous y pratiquons à la face de l’Europe l’intervention la mieux caractérisée, la plus notoire, la plus flagrante ? Soyons de bonne foi. Le prince Napoléon a donné des exemples de franchise bons à suivre, et dont M. de Persigny, dans un mouvement spontané de zèle dynastique, n’a pas hésité à étendre la portée par sa fameuse dépêche aux quarante mille communes. Si nous étions aussi hardis que le cousin de l’empereur, nous pourrions dire que nous n’avons point empêché le démembrement de la souveraineté pontificale, parce qu’à nos yeux le temps du pouvoir