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libre dans la persécution, dans la captivité, dans le martyre ? L’histoire récente ne leur rappelle-t-elle point que la conscience de Pie VII est demeurée libre dans la somptueuse prison de Fontainebleau ? Songent-ils plutôt à la liberté de conscience des fidèles ? Quel besoin a celle-ci du pouvoir temporel ? N’est-ce pas la crainte de ce pouvoir temporel, les ombrages inspirés par le fantôme d’un souverain étranger, qui ont fait perdre au catholicisme des nations entières sur lesquelles il avait régné, et qui chez les autres peuples ont donné naissance à ces mille liens dont on a enveloppé dans les concordats la liberté du sacerdoce ? La liberté de conscience, c’est comme citoyen qu’il faut la demander à son pays et la défendre contre des gouvernemens tracassiers ou des majorités prévenues. La liberté de conscience, c’est dans la liberté politique, dans cette liberté laborieuse dont la conquête ou la conservation exige une vigilance incessante et de perpétuels combats, qu’il faut en chercher la seule garantie qui soit noble et sûre.

Quant à nous, ce n’est point avec un esprit de récrimination puérile, avec un sentiment de basse satisfaction à la vue des représailles subies maintenant par lui, que nous suivons le parti catholique français dans l’épreuve où il est entraîné. Nous avons un plus digne sujet de contentement, nous sommes animés d’une espérance plus haute : nous espérons que les catholiques parviendront à comprendre la véritable cause de leurs mécomptes présens, et qu’ils repousseront loin d’eux ce triste et perfide oreiller de l’absolutisme où ils aimaient tant à reposer leurs têtes. Le débat engagé doit avoir une conclusion favorable à la cause de la liberté. Jusqu’à présent, cette conclusion n’est point dégagée encore. Dans nos assemblées, les deux principes qui sont en lutte n’ont eu pour véritables organes que le prince Napoléon d’une part, et de l’autre les députés du corps législatif qui ont défendu la cause catholique dans la discussion générale de l’adresse. Des deux côtés, dans ce premier choc, on s’est livré avec une ardeur intempérante aux sentimens contradictoires qui fermentaient dans les cœurs. Quoiqu’à notre avis le prince Napoléon ait choisi et soutenu sa thèse avec un instinct politique remarquable, il a le premier donné l’exemple de certaines violences d’idées et d’expressions qu’il aurait peut-être mieux fait d’éviter. Il s’est égaré surtout dans certaines digressions, dont le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elles ont été peu adroites ; en attaquant par exemple des familles souveraines qui ont régné sur la France, il a remis involontairement dans la mémoire des esprits modérés qu’à la veille de la révolution de février il était prêt à profiter des dispositions bienveillantes du gouvernement du roi Louis-Philippe, et en l’entendant exposer sa théorie sur les rapports divers que les temps prospères ou malheureux peuvent établir entre les membres de la famille Bonaparte, on s’est souvenu qu’au 2 décembre, bien qu’avant le succès du coup d’état on pût difficilement regarder la crise encore indécise comme une époque de prospérité pour sa famille, il ne tenait point à dissimuler les dissentimens qui l’éloignaient de son cousin. Nous eussions