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chute n’a fait que justifier toutes les prévisions. Et lorsque, au bout de ces contradictions, on pose cette simple question : Que faut-il faire ? Faut-il réduire l’Italie par la force ? faut-il rasseoir par les armes ces gouvernemens sur la désaffection de tout un peuple ? Lorsqu’on pose cette question, disons-nous, les plus hardis eux-mêmes reculent devant les conséquences de leurs opinions. C’est en se laissant aller à ce courant d’idées contradictoires que le gouvernement espagnol arrive à une politique qui a sans doute aujourd’hui la sanction d’un vote du congrès, mais qui n’en est pas plus distincte, qui se réduit, à vrai dire, à une sorte d’inaction chagrine, en le plaçant entre le roi de Naples, qu’il abandonne à son infortune, et l’Italie, avec laquelle il rompt si ouvertement, si inutilement. Il était pourtant si facile au gouvernement espagnol de continuer à ne rien dire après n’avoir rien fait ! Nous ne méconnaissons pas l’embarras que pouvait éprouver M. Calderon Collantes à concilier des devoirs de diverse nature ; il est douteux que ses déclarations d’aujourd’hui diminuent ses embarras et fassent la force du ministère pour l’avenir.

Un des mérites du cabinet que préside depuis deux ans le général O’Donnell, c’est du moins d’avoir donné la paix intérieure à l’Espagne en lui donnant en même temps les viriles émotions d’une guerre populaire et heureuse, et cette paix maintenue sans effort est la garantie, le stimulant de tous les intérêts. On pourra dire bientôt, et ce sera avec vérité cette fois, que l’Espagne est transformée ; elle se renouvelle chaque jour par tous les travaux qui s’accomplissent, par les routes qui s’ouvrent, par les tronçons de lignes de fer qui s’ajoutent à un réseau partout en exécution. Il y a peu de temps, c’était l’adjudication du chemin de fer qui, partant de Manzanarès, sur la ligne d’Alicante, va jusqu’à Cordoue, et mettra Madrid en communication avec l’Andalousie, avec Cadix, c’est-à-dire avec l’Océan au midi. Il y a peu de jours, on adjugeait au nord une ligne de Médina à Zamora. Hier encore, c’était un autre chemin allant de Palencia à Ponferrada, et destiné à gagner la Corogne à travers les Asturies. Aujourd’hui c’est le chemin de Valence à Tarragone. Toutes ces adjudications se multiplient. Il y a enfin un projet qui a fort agité les esprits en d’autres temps, qui fut même la cause déterminante de la chute du cabinet auquel a succédé le ministère du général O’Donnell, et qui commence à se montrer de nouveau : c’est le projet d’une seconde communication avec la France à travers la partie occidentale des Pyrénées. Madrid, on le sait, se relie au nord de l’Espagne par deux lignes, dont l’une, le chemin de fer du nord proprement dit, passant par la Castille, va gagner Irun, touche à notre frontière, et vient se souder à nos chemins, tandis que l’autre, se dirigeant par l’Aragon, a dû s’arrêter d’abord à Saragosse, puis, en vertu d’une concession nouvelle, est allé jusqu’à Pampelune, dans la Navarre. Ce dernier chemin, se perdant à Pampelune, sans issue vers la France, doit, dans les conditions actuelles, rejoindre le chemin de fer du nord proprement dit à un point nommé Alsasua. Tant que la grande voie de communication avec la France par Irun n’a point été