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de France pour essayer de le prévoir et en épier l’explosion. Si nous regardons du côté de l’Angleterre, nous y verrons toujours le vent souffler vers l’unité de l’Italie. Lord Palmerston, investi de ce gouvernement des cinq ports qui a été l’attribut honorifique de plusieurs grands hommes d’état anglais, de Pitt et de Wellington par exemple, lord Palmerston, qui a dû à cette occasion faire renouveler son mandat de membre de la chambre des communes, vient de comparaître devant ses électeurs et a célébré, à leur applaudissement, les actes de sa politique. Entre le tableau pompeux et vrai des progrès du gouvernement constitutionnel en Europe, où il voit une diffusion merveilleuse du génie de ces institutions que l’Angleterre possédait seule il y a soixante ans, et une fanfare en l’honneur des volontaires, le noble lord n’a pas manqué de saluer l’unité à peu près consommée de l’Italie ; en bon collègue, il a fait honneur de ce résultat à l’habileté et à la fermeté de lord John Russell. Nous espérons que les Italiens n’accepteront pas ce compliment sans réserve, et consentiront à compter la France pour quelque chose dans l’établissement de leur indépendance et de leur unité politique. Les discours prononcés au parlement de Turin prouvent que les Italiens ne sont point ingrats envers nous ; mais avouons que, s’ils gardent de la reconnaissance pour les services que la France leur a rendus, ce n’est point la faute des orateurs que le corps législatif a écoutés avec le plus de faveur et des politiques capricieux qui ont affiché une si bizarre hostilité contre la révolution italienne. Un des griefs de ceux-ci contre cette révolution, c’est qu’elle sert, suivant eux, les intérêts anglais ; mais, tandis que l’Angleterre se proclame franchement italienne, que font des Français influens qui se montrent en toute circonstance prévenus contre l’Italie, hostiles à, ses aspirations, contraires à l’unité, où elle veut trouver la force de constituer et de défendre son indépendance ? Ne travaillent-ils pas eux-mêmes à nous enlever le fruit des services que nous avons rendus à l’Italie ? Ne sont-ils pas les auxiliaires inconséquens de cette politique anglaise qu’ils dénoncent ? Ne livrent-ils pas l’Italie à l’influence anglaise ? Quant à nous, nous ne pouvons voir sans regret l’Angleterre, à laquelle l’émancipation de la péninsule n’a rien coûté, profiter de nos hésitations maladroites, prendre sur nous l’avance auprès des Italiens, et les encourager à cette unité dont nous leur marchandons le couronnement.

Malgré les bruits qui se sont récemment accrédités en Italie sur les projets belliqueux de l’Autriche, nous sommes persuadés que cette puissance, qui est pourtant l’adversaire née de l’unité italienne, songe moins que jamais à porter la guerre dans la péninsule. L’Autriche paraît décidée à rester sur la défensive ; les mouvemens militaires qui ont été opérés derrière le Pô et le Mincio sont de simples mesures de défense. Entre l’Angleterre qui l’applaudit, l’Autriche qui la laisse faire, la France pour laquelle l’évacuation de Rome n’est plus qu’une affaire d’échéance incertaine, la politique de l’unité italienne a beau jeu, si elle ne se laisse point compromettre par les