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réclamations des colonies entraînèrent le parlement à admettre conjointement la servitude pénale et la déportation, la comparaison des deux systèmes fit bientôt ressortir un côté de la question qui, durant la défaveur momentanée de la déportation, avait été quelque peu perdu de vue. Tandis que les déportés, leur temps une fois fini, s’absorbaient sans peine dans les populations coloniales, les détenus, en sortant de prison dans la mère-patrie, se voyaient repoussés de toutes parts et comme contraints de reprendre pour vivre leur existence de parias et de voleurs. Comment remédier à ce danger ? Que faire pour diminuer les obstacles qui fermaient à la bonne volonté tout retour à la vie honnête ? Ce fut sous l’influence de ces préoccupations que passa l’acte de 1857, destiné à amender la législation votée en 1853. La nouvelle loi abolissait entièrement la déportation ; mais en même temps elle cherchait à en conserver en partie les avantages en reproduisant une disposition de l’acte antérieur, disposition d’après laquelle la servitude pénale pouvait être subie soit en Angleterre, soit dans les pénitenciers que le gouvernement était autorisé à établir dans telles colonies qu’il désignerait. Le même acte de 1857 décidait que le principe des billets de tolérance serait appliqué à la servitude pénale, et bientôt une circulaire vint compléter la loi à cet égard, en réglant que les condamnés dont la peine serait au moins de sept ans pourraient être transportés dans un pénitencier colonial après avoir fait en Angleterre la moitié de leur temps, que des billets de tolérance pourraient leur être accordés peu après leur arrivée dans l’Australie occidentale, enfin que s’ils continuaient à se bien conduire, ils pourraient recevoir une grâce conditionnelle en s’engageant à se fixer dans la colonie.

Telle est l’origine du régime pénitentiaire qui fonctionne en ce moment en Angleterre, et qui est aussi, avec un rouage de plus, celui de l’Irlande. Ce qui le distingue essentiellement, c’est l’absence de tout esprit de système : il admet simultanément la détention cellulaire, le travail en commun dans les prisons, le travail forcé en plein air ; mais tous ces moyens, il les envisage au double point de vue de la punition qu’ils infligent et de l’effet moral qu’ils peuvent avoir, et il en tire un système gradué de châtimens qui offre sans cesse une prime à la bonne volonté du condamné, et qui laisse beaucoup à la discrétion des gouverneurs et des directeurs de prisons. La durée de la peine telle qu’elle est prononcée par le juge est d’abord divisée en deux parties inégales : la première, qui doit être entièrement subie pour satisfaire à la justice ; la seconde, qui peut être remise en tout ou en partie, suivant que les gouverneurs ou directeurs le croient convenable. Pour une condamnation à trois ans, la période obligatoire est de deux ans et six mois ; pour une condamnation à quinze ans, elle est de dix ans. — Cette période d’ailleurs n’embrasse pas moins de cinq degrés de châtimens. En premier lieu, tout condamné doit passer par un emprisonnement cellulaire qui ne peut durer moins de huit mois, mais qui n’a pas la sévérité systématique de la méthode pensylvanienne. À cette épreuve de l’isolement, dont le but est de dompter le criminel, succède le travail forcé en commun dans les prisons ordinaires, et dès lors le détenu commence à avoir une influence plus directe sur son propre sort, car avant qu’il ait chance de voir raccourcir la