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VALVÈDRE


TROISIÈME PARTIE.[1]


IV

J’oubliais tout au milieu de ces orages mêlés de délices, et, en exerçant mes forces contre le torrent qui m’entraînait, je les sentais s’éteindre et se tourner vers le rêve du bonheur à tout prix, lorsqu’un signal parti de la montagne m’annonça le retour probable d’Obernay pour le lendemain. C’était une double fusée blanche attestant que tout allait bien, et que mon ami se dirigeait vers nous ; mais M. de Valvèdre était-il avec lui ? serait-il à Saint-Pierre dans douze heures ?

Ce fut la première fois que je pensai à l’attitude qu’il faudrait prendre vis-à-vis de ce mari, et je n’en pus imaginer aucune qui ne me glaçât de terreur. Que n’aurais-je pas donné pour avoir affaire à un homme brutal et violent que j’aurais paralysé et dominé par un froid dédain et un tranquille courage ? Mais ce Valvèdre qu’on m’avait dépeint si calme, si indifférent ou si miséricordieux envers sa femme, en tout cas si poli, si prudent, et religieux observateur des plus délicates convenances, de quel front soutiendrais-je son regard ? de quel air recevrais-je ses avances ? car il était bien certain qu’Obernay lui avait déjà parlé de moi comme de son meilleur ami, et qu’en raison de son âge et de son état dans le monde, M. de Valvèdre me traiterait en jeune homme que l’on veut encourager, protéger ou conseiller au besoin. Je n’avais plus senti la force d’in-

  1. Voyez les livraisons du 15 mars et du 1er  avril.