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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/956

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qui ont tenu si longtemps en échec des forces inépuisables et savamment disciplinées. Dans chacune des deux divisions du Caucase, au flanc droit et au flanc gauche, cette lutte a eu ses phases et ses péripéties différentes ; elle a donné à la défense une attitude particulière, à l’attaque une direction spéciale, suivant le caractère, la condition sociale et la position géographique des populations. Cette considération nous trace la méthode et l’ordre que nous devons suivre pour les étudier.


I. — LE CAUCASE OCCIDENTAL. — LES TCHERKESSES ADIGHES.

La zone qui se prolonge du versant septentrional du Caucase au Kouban, entre la Mer-Noire à l’ouest et le contour dessiné par le Térek en s’infléchissant vers la Mer-Caspienne, comprend le territoire des Tcherkesses dans sa plus vaste extension. L’un des affluens de la Mer-Noire, l’Ingour, en séparant la contrée des Abazes maritimes d’avec la Mingrélie, est la limite méridionale où commencent la race karthle et les pays de la domination géorgienne. Dans cette portion de l’isthme ainsi circonscrite, et principalement sur le littoral de l’Euxin, nous voyons, en suivant les historiens et les géographes dans un ordre chronologique, apparaître des peuples qui se maintiennent pendant un certain laps de temps, puis qui s’effacent pour faire place à d’autres. Dans la liste de Scylax, qui nous reporte aussi haut que nous puissions remonter, nous rencontrons les Gelons et les Mélanchlaenes, peuples de souche sarmatique, bientôt après émigrés entre le Tanaïs et le Palus-Mœotide[1]. Ces vicissitudes sont sensibles, si l’on rapproche les anciens auteurs grecs de ceux de la période romaine : elles tiennent peut-être à ce qu’une même tribu a été connue sous diverses appellations par les peuples en communication avec elle ; peut-être ont-elles aussi pour cause des révolutions intérieures qui ont fait passer la prépondérance d’un clan à un autre, et prévaloir son nom parmi des confédérations créées momentanément par la force ou les besoins d’une défense commune. C’est ainsi que les hordes les plus puissantes et les plus considérables qui de l’Asie centrale se sont précipitées sur l’Europe, et entre autres les Huns, les Turks et les Mongols, n’étaient dans l’origine qu’une tribu particulière qui s’est assujetti et incorporé toutes les peuplades congénères, devenues une agrégation formidable sous le nom de la tribu dominante.

C’est à la suite des démêlés des Romains avec Mithridate que se révélèrent les Zikhes ou Zekhes, dont la mention ou la célébrité se

  1. Ptolémée, Géographie, liv. V, ch. 9, § 19, et Pline, liv. VI, ch. 5.