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bâtir le château qui commande le défilé de Derbend et la muraille qui, de ce point, allait se relier, par une suite de positions stratégiques, à la forteresse de Dariel. Les restes de cette muraille, attribuée par la tradition au plus célèbre des Sassanides, Khosroës Anouschirvan, qui vivait dans le Ve siècle, subsistent encore près de Derbend, sur une étendue d’une verste et demie environ, dans une direction nord-ouest. Depuis les temps des Sassanides jusqu’au XVIe siècle et aux conquêtes de Jean le Terrible sur la Mer-Caspienne, nous n’avons à enregistrer que quelques souvenirs rares et confus des engagemens de ces montagnards avec les Mongols de Tchinguiz-Khan et de Timour. Ce n’est que lorsque les Russes, maîtres de Kazan et d’Astrakhan, commencent à se heurter contre eux que les pages de leurs annales offrent quelque suite. Les guerres du célèbre souverain de la Perse, Nadir-Schah, contre la Turquie mirent les Lezghis tout à fait en lumière, et les appelèrent à jouer un rôle important parmi les nations qui depuis lors ont convoité et se sont disputé la possession de l’isthme caucasien. En 1732, la Russie, par les traités de Recht et de Gandja, ayant abandonné ses acquisitions dans le Caucase oriental et s’étant retirée derrière la ligne du Térek, rien n’empêcha plus dans ces contrées les collisions de la Turquie et de la Perse. Le khan de Crimée, vassal de la Porte, envoya un corps de trente mille Nogaïs, qui devaient rejoindre les montagnards du Daghestan pour envahir avec eux le territoire persan ; mais les Kabardiens, alors dévoués à la Russie, qui de son côté favorisait la Perse, arrêtèrent au passage ces Tartares et les forcèrent de rebrousser chemin. En 1738, les Lezghis, profitant de l’éloignement de Nadir-Schah, engagé au milieu des montagnes du Kandahar dans sa seconde campagne contre les Afghans, se précipitèrent sur les khanats limitrophes de la Mer-Caspienne, qui relevaient de la Perse, et mirent tout à feu et à sang. Lorsque le conquérant, de retour, s’avança pour les châtier jusque dans le Kazy-Koumouk, au-delà de Derbend, ils le battirent et lui enlevèrent neuf pièces de canon, qui ne furent reprises à ces montagnards qu’en 1820 par les Russes, au combat de Khozrek. Pendant les troubles qui désolèrent la Perse après la mort tragique de Nadir-Schah, les Lezghis acquirent de jour en jour plus d’ascendant et se firent craindre en s’unissant aux Tchetchenses. Lorsque Catherine II eut reporté ses vues sur les provinces du Caucase rétrocédées à la Perse par les conventions de Recht et de Gandja, les occasions de conflit avec les populations du Daghestan se multiplièrent. La première fut celle que provoquèrent les violences exercées contre un paisible et inoffensif missionnaire de la science, l’académicien Samuel Gmellin. La grande impératrice avait conçu le projet de faire visiter et décrire les parties