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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/102

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également recours à l’action des dissolvans neutres, tels que l’eau et l’alcool, qui enlèvent, sans les détruire, aux végétaux et aux produits animaux quelques-unes de leurs parties constituantes. C’est par ces procédés que plusieurs chimistes, parmi lesquels il faut citer surtout Scheele, découvrirent un assez grand nombre d’acides organiques : l’urée fut reconnue dans l’urine, les sucres dans les fruits et dans divers végétaux. On ignorait pourtant encore, à la fin du dernier siècle, la définition véritable des principes immédiats ; on ne savait pas qu’ils étaient formés d’élémens invariables et doués de propriétés constantes. Dans les ouvrages écrits à cette époque, les corps qui méritent ce nom se trouvent mêlés avec une foule d’autres substances qui, mélanges elles-mêmes de principes immédiats en proportion très variable, ne jouissent d’aucune propriété définie. Fourcroy par exemple, dans sa Philosophie chimique, donne la liste suivante des élémens constituons des végétaux : la sève, le muqueux, le sucre, l’albumine, les acides, l’extractif, l’amidon, le tannin, le glutineux, la matière colorante, l’huile fine, la cire végétale, l’huile volatile, le camphre, la résine, la gomme-résine, le baume, le caoutchouc, le ligneux, le salin. « En séparant, dit-il, ces vingt genres de composés d’un végétal, on fait son analyse très exacte. » Aujourd’hui, dans toute cette série de substances, nous ne reconnaissons que deux principes immédiats : le sucre et l’amidon. Tandis que l’on admettait comme tels des corps dépourvus d’une composition constante, Fourcroy et Vauquelin regardaient de véritables principes comme de simples mélanges. Les opinions ne se fixèrent sur ce point délicat que lorsque la chimie minérale eut découvert la loi des proportions définies, et qu’on en fit l’application aux substances tirées de la nature organique.

La révolution opérée par Lavoisier porta rapidement ses fruits, et dès l’année 1824 M. Chevreul déclarait que « la base de la chimie organique est la définition précise des principes immédiats qui constituent les végétaux et les animaux. » Appliquant cette idée nouvelle à un sujet spécial, il avait publié, dans l’intervalle de 1813 à 1823, une série de mémoires sur les corps gras d’origine animale. Ces beaux travaux marquent une époque dans l’histoire de la science. À l’aide de lavages successifs, il réussit à extraire de ces graisses les principes qui les composent ; il reconnut que les graisses, les huiles et les beurres sont des mélanges en proportions variées d’un petit nombre de substances. Les principales d’entre elles, nommées par lui stéarine, margarine, oléine, donnent naissance, en s’associant, à l’huile d’olive, à l’huile de palme, à l’huile d’amandes douces, à la graisse d’homme, au suif de bœuf et de mouton, à l’axonge, à la graisse d’oie. Unies à certains composés odorans et