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tout à fait analogues, elles constituent le beurre et les huiles de poisson. Il montra enfin que tous ces principes immédiats peuvent se résoudre en une substance unique, nommée glycérine, et en un acide gras variable (parmi ces acides, il en est un bien connu, l’acide stéarique, qui constitue la bougie), et il fit voir que ces acides gras, en s’unissant à des alcalis, produisent des savons. Il fut démontré ainsi qu’une seule série de corps est due à des mélanges en proportion indéfinie d’un petit nombre de principes immédiats, doués individuellement de propriétés définies.

Presqu’en même temps, Gay-Lussac jetait une lumière nouvelle dans l’étude d’une autre série de corps qui jouent un rôle prépondérant dans la chimie organique. L’alcool était connu dès longtemps : les Arabes l’avaient extrait du vin par la distillation, et les alchimistes l’employaient sous le nom d’esprit ardent. Dès le XVIe siècle, on avait aussi reconnu qu’en distillant ensemble l’alcool et l’acide sulfurique, on obtient un liquide nouveau, l’éther. On avait même découvert que d’autres acides donnent également avec l’alcool un produis éthéré, l’acide du sel marin, celui, du vinaigre. Sous cet ensemble, de phénomènes se cachait une loi générale. Gay-Lussac fit le premier pas vers cette découverte : il montra par l’analyse la relation qui existe entre l’alcool, l’éther, l’eau ordinaire et une substance binaire composée de carbone et d’hydrogène. Ces relations furent depuis généralisées par M. Dumas et d’autres chimistes ; l’alcool et l’éther sont devenus les types d’une classe nombreuse de composés soumis en quelque sorte à une hiérarchie chimique uniforme. Ces belles découvertes, en même temps que les travaux de Gay-Lussac relativement à la décomposition du sucre en alcool et en acide carbonique sous l’influence de la fermentation, établissaient les premiers liens entre les substances inorganiques et ces composés plus instables qu’on ne rencontre qu’au sein de la nature organique.

Maîtresse de ces premiers secrets, la science nouvelle fit des progrès de plus en plus rapides ; au lieu de détruire d’un seul coup les substances organiques, elle apprit à les décomposer en leurs parties constituantes : elle opéra cette réduction d’une manière savante et graduée, de façon à parcourir un à un tous les degrés qui séparent les composés vivans de l’inertie physique. Dans cette étude systématique, elle rencontra devant elle un nombre de corps si prodigieux que la classification devant son premier souci : elle dut chercher à faire rentrer tous ces corps dans certains moules, créer des familles, des types, et construire en quelque sorte idéalement l’édifice chimique. Deux idées dominantes servirent de guides aux savans au milieu de ce dédale. Ils cherchèrent à rattacher les lois