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il se dispose à pénétrer de nouveau dans la caverne, avec la résolution de briser la statue qui lui coûte si cher ; mais au moment où il va pour la frapper, il voit s’élever du socle resté vide Margyane elle-même, qui tombe dans ses bras. C’est alors que le génie Amgyad lui apparaît sous un magnifique costume, et lui dit ces paroles, qui forment la conclusion et la moralité de la fable :

Il est un trésor
Plus rare que l’or
De toute la terre,
Plus pur que le jour :
C’est le doux mystère
Qu’on appelle amour.


Écrit avec soin, le libretto de MM. Jules Barbier et Michel Carré ne manque pas d’intérêt, et il renferme plusieurs situations propres à évoquer la fantaisie d’un musicien.

M. Ernest Reyer, qui a écrit la partition de la Statue, n’est pas tout à fait un nouveau-venu dans le monde musical de Paris. Il a débuté il y a une dizaine d’années, en 1850, par une composition bizarre, intitulée le Selam, espèce de symphonie dramatique qui était une imitation flagrante du Désert de M. Félicien David. Quatre ans après, M, Reyer s’essaya au Théâtre-Lyrique par un opéra en un acte, Maître Wolfram, qui n’eut qu’un petit nombre de représentations. Il y a deux ans à peu près, M. Reyer obtint la faveur de composer pour Mme Ferraris, à l’Opéra, la musique d’un ballet en deux actes, Sacontala. Dans ces essais divers, on put s’apercevoir que M. Reyer était doué de quelques qualités d’imagination, d’une certaine élégance mélodique, d’un désir de bien faire qui se débattait contre une éducation musicale assez imparfaite. Nous terminions un jugement porté sur la musique du Selam par ces paroles que nous demandons la permission de reproduire : « Le Selam est une imitation du Désert, dont cette symphonie ne reproduit pas l’heureuse conception. M. Reyer est un jeune homme qui est loin de posséder encore le goût, l’expérience et les qualités charmantes qui caractérisent le talent de M. Félicien David ; mais si l’œuvre de M. Reyer n’a pas réussi complètement à captiver l’attention du public, elle révèle un jeune compositeur qui mérite d’être encouragé, parce qu’il est doué de certaines qualités suffisantes pour donner lieu à espérer qu’il y a en lui l’avenir d’un musicien. Quand on a l’esprit vif, la verve impatiente, l’intuition des effets d’instrumentation et le don de quelques mélodies heureuses qu’on remarque dans le Selam de M. Reyer, on ne meurt pas d’un petit mécompte ; mais on court risque d’être étouffé par les embrassemens stériles des faux amis. »

Il n’y a pas d’ouverture à l’opéra de la Statue. Après un prélude symphonique de quelques mesures, la toile se lève, et laisse voir l’intérieur d’un café dans la ville de Damas, où Sélim et ses compagnons de plaisir sont