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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 avril 1861.

La sensibilité extrême qu’éprouve notre grande, puissante, mais peu clairvoyante et trop hésitante France à l’égard du moindre incident qui se passe de l’autre côté des Alpes, nous oblige de commencer par l’Italie la revue des événemens de cette quinzaine. Le parlement italien vient en effet d’être le théâtre d’un dramatique épisode. On y a assisté, on en a suivi les péripéties, on en a salué le dénoûment avec des émotions, des transes, une satisfaction vives et fondées. Il semblait que de cette lutte parlementaire engagée entre M. de Cavour et le général Garibaldi devait dépendre cette année pour l’Europe la question de la paix ou de la guerre. De grands intérêts dans le monde étaient assurément attachés à l’issue de ce débat. Outre l’influence de ces intérêts, que la France ressent à un très haut degré, le goût naturel de notre pays pour les luttes qui mettent les hommes aux prises autant que les idées est pour une grande part dans l’attention que nous avons prêtée aux scènes parlementaires de Turin. Nous aimons que la politique se dramatise ; notre intérêt redouble quand les causes politiques se personnifient dans des hommes illustres ou célèbres ; la sympathie pour les personnes ajoute alors une chaleur saine et généreuse aux sentimens divers qu’excite l’antagonisme des principes et des conduites. Cette disposition de l’esprit français assure chez nous un auditoire animé aux hommes qui conduisent le mouvement italien. Si, à travers les soucis qui les harcèlent et les espérances qui les entraînent, M. de Cavour et Garibaldi gardent quelque chose de cette vanité des acteurs qui s’inquiètent de l’effet qu’ils produisent sur les spectateurs, ils peuvent être contens du public bénévole que la France leur fournit. Comme au surplus cette altercation italienne, après avoir commencé par les plus vives paroles, s’est terminée par les plus fraternelles étreintes, comme la concorde et la paix — temporaires — ont été le dernier mot du combat et que c’est celui que la