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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/242

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liberté dans toute l’Europe un service éminent. C’en serait fait du système autocratique dans le monde, si l’Autriche devenait un gouvernement libérale Siy dans des vues égoïstes et étroites, par inquiétude ou par chimère, les Hongrois laissent perdre cette occasion, ils contracteront vis-à-vis de l’opinion libérale en Europe une grave responsabilité, et devront renoncer aux sympathies occidentales qui allaient au-devant d’eux.

L’idée des nationalités serait en effet un fléau, si dans l’Europe orientale, au lieu d’unir les peuples autour de la cause libérale, elle les divisait, les paralysait, les atrophiait en des antagonismes mesquins et rétrogrades. Quelle vertu au contraire n’aurait pas la généreuse et brillante initiative de la Hongrie réussissant à faire de l’empire autrichien un état libre ! N’est-il pas sensible aujourd’hui que chaque conquête faite par la liberté en Autriche tournerait au profit de la noble et malheureuse Pologne ? Certes personne n’oserait en ce moment donner à la Pologne le conseil de renouveler contre la Russie une lutte impossible. Nous n’aurions rien à reprendre à la note, publiée récemment par le Moniteur sur les affaires de Pologne, si elle se fût bornée à prévenir cette nation infortunée, à laquelle la France est unie par tant de liens, que ce serait pour elle une illusion funeste de compter en un moment comme celui-ci sur le concours de nos armes ; mais après les lamentables événemens de Varsovie, l’Europe libérale se doit à elle-même de réserver ses témoignages de confiance au tsar jusqu’au moment du moins où la douloureuse impression des massacres aura été effacée par des actes vraiment libéraux et réparateurs. Nous disions en parlant de l’émancipation des. serfs, à propos de laquelle nous donnions si volontiers nos applaudissemens à l’empereur Alexandre, que le tsar devait une indemnité à la noblesse russe, et que cette indemnité serait l’avènement de cette noblesse à la liberté politique. C’est dans cette liberté, impatiemment attendue par tous les Russes qui ont le juste orgueil des destinées de leur pays, que l’empereur trouverait aussi la solution honorable de ses difficultés avec la Pologne.

Les craintes inspirées par l’état de la Turquie sont liées de près aux inquiétudes partout soulevées par le mouvement des nationalités. Il n’est guère douteux que dès que le signal de la lutte aura été donné quelque part, ces petites insurrections locales de la Turquie d’Europe qu’Omer-Pacha est maintenant chargé d’aller combattre s’étendront et se propageront au sein de l’empire ottoman. Un rôle actif est assigné à la Grèce dans cette levée de boucliers contre la Turquie. Il y a longtemps que la Grèce ne fait point parler d’elle ; elle nous réserve peut-être quelque surprise plus prochaine qu’on ne l’imagine. Le gouvernement du roi Othon parait être tombé au dernier degré du discrédit. Ce gouvernement s’est servi de son influence aux dernières élections pour produire une chambre frappée du mépris public. Au point où les choses en sont venues, une insurrection, qui pourrait bien devenir une révolution, n’est pas en dehors de toute probabilité. Un parti hellène hardi et puissant ne parle de rien moins que de déposer le roi et la dynastie. Si un mouvement populaire emportait cette frêle royauté