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grecque, le contre-coup immédiat pourrait bien être une violente agression des Hellènes contre la Turquie, et alors on verrait commencer plus tôt qu’on ne le suppose une immense anarchie d’insurrection dans la Turquie d’Europe, qui imposerait aux cabinets européens le plus difficile des problèmes, la question d’Orient dans sa forme finale.

Nous ne savons s’il faut compter aussi, parmi les aspects plus rassurans et devenus plus pacifiques de l’état de l’Europe, la rupture des négociations militaires entre la Prusse et l’Autriche. Nous avons à diverses reprises indiqué les principaux traits de ce projet de constitution militaire auquel l’Allemagne travaille depuis une année. C’était ce grand intérêt de l’organisation de l’armée fédérale et du partage des commandemens qui fut l’été dernier le prétexte de tant d’excursions de souverains et de voyages de princes. La Prusse avait son projet, les états secondaires avaient concerté leur plan ; on espérait que l’accord sortirait d’une négociation engagée à Berlin entre les représentans militaires de la Prusse et de l’Autriche. C’est ce travail, long et compliqué qui vient d’aboutir à une rupture. Les motifs-allégués de cet échec sont diversement présentés. Le tort se trouve tantôt du côté, de l’Autriche, tantôt du côté de la Prusse, selon le parti auquel appartiennent les informateurs. Les premières nouvelles sont venues du camp autrichien. On a prétendu de ce côté que la Prusse avait, à la dernière heure, élevé des prétentions auxquelles l’Autriche, au point de vue de ses propres intérêts comme au nom de ses confédérés allemands, n’aurait jamais pu acquiescer. On disait par exemple que la Prusse aurait réclamé la présidence alternative de la diète germanique, ainsi que le retrait des troupes autrichiennes formant avec celles de la Prusse la garnison fédérale de la forteresse de Mayence, Cette version est peu vraisemblable. Comment croire que dans une conférence purement militaire, puisqu’il s’agissait exclusivement des changemens à apporter à l’organisation militaire de la confédération, on eût pu introduire des questions de haute politique qui se trouvent tout à fait en dehors du ressort des généraux et des officiers d’état-major réunis dans cette conférence ? Malgré notre incompétence en pareille matière, il nous semble d’ailleurs qu’il eût été peu juste d’exiger de l’Autriche l’abandon de son droit de garnison à Mayence, après que, sur les instances du cabinet autrichien, la diète germanique a, il y a quelques années à peine, admis la Prusse à fournir une partie de la garnison de Rastadt, sans qu’elle eût le moindre droit à réclamer un tel partage. Les prétentions du genre de celles dont nous venons de parler seraient en outre impolitiques. L’Autriche eût-elle voulu y consentir, c’eût toujours été en dernière instance la diète germanique qui aurait dû en décider. Or les états secondaires repousseraient sans aucun doute des propositions de cette nature, et la Prusse aurait sans aucun profit pour elle augmenté seulement les défiances et les antipathies qu’elle rencontre. Aussi du côté de la Prusse donne-t-on une explication différente. Ce serait l’Autriche, d’après cette version, qui aurait donné lieu à la rupture des négociations en réclamant,