Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui arriva l’année dernière, ce qui est bien près d’arriver cette année. Jeudi prochain probablement, la question de cabinet sera posée à propos du budget. Parmi les amis de lord Palmerston, plusieurs ne suivent qu’à contrecœur M. Gladstone dans ses expériences économiques ; cette fois ils seront bien forcés de s’y rallier en murmurant, car il y va de l’existence du ministère. Les tories ont accru leur nombre dans les élections partielles ; ils auraient la majorité, s’ils le voulaient, et l’on n’attribue leur modération contre le cabinet qu’au peu de goût qu’ont leurs chefs à prendre le pouvoir dans l’état présent des affaires.

Le seul événement intérieur de la quinzaine est un fait que nous pouvons seulement mentionner et qu’il ne nous est point permis d’apprécier. Nous voulons parler de la publication d’un écrit de M. le duc d’Aumale répondant, au nom de la maison d’Orléans, aux jugemens que le prince Napoléon avait portés sur cette maison dans son discours au sénat. Cet écrit a été saisi et a été l’objet d’une lettre du prince Napoléon à l’empereur et d’une lettre du chef du cabinet de l’empereur à l’editor du Times. La presse politique a eu le bon goût de comprendre que la saisie et les poursuites lui interdisaient de discuter la brochure de M. le duc d’Aumale. Il paraît que les auteurs de brochures ne se croient point tenus à la même délicatesse, car nous ne savons combien de factums ont été publiés en réponse à l’écrit incriminé. Quant à nous, nous ne parlerons pas plus des réponses que de la lettre de M. le duc d’Aumale. Seulement nous avons remarqué dans plusieurs de ces brochures une allégation qui mérite d’être relevée. — Vous avez été saisi, se plaît-on à dire, et vous serez poursuivi conformément aux lois sur la presse de la restauration et du gouvernement de juillet. — On peut par là constater agréablement la jeunesse des auteurs de brochures. Évidemment ils n’étaient pas de ce monde sous la restauration et le gouvernement de juillet, et ils n’ont jamais entendu dire que dans ce temps les procès de presse étaient jugés par le jury, et pouvaient être publiés. — L’on a aussi remarqué la publication récente d’une brochure de M. le procureur-général Dupin : Madame la Duchesse d’Orléans à la Chambre des Députés. C’est un épisode que M. Dupin a détaché avec à-propos de ses mémoires. Tout le monde saura gré à M. Dupin des sentimens qu’il y exprime sur le rôle joué pendant la tragique journée du 24 février par celle qu’il appelle, avec une admiration pénétrée, « cette femme héroïque ! »


E. FORCADE.


ESSAIS ET NOTICES

LA CAMPAGE DE SAIGON.


Saigon, 14 mars 1861.

Le 6 février 1861, par une belle et chaude soirée, l’Impératrice Eugénie, la frégate amirale de l’escadre des mers de Chine, venant de Hong-kong, jetait