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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/353

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dustrielle d’aujourd’hui n’est plus celle que Faucher a décrite ; ces troubles passagers ont en grande partie cédé à la force vitale qui réside dans ses institutions. Qu’a-t-il fallu pour opérer ce changement ? Que le travail d’enfantement dont l’auteur des Études n’a vu que les douleurs arrivât à son terme, et aboutît à une heureuse délivrance. Depuis les réformes introduites dans la législation économique, un soulagement manifeste a eu lieu dans le domaine du travail populaire. Les salaires seront élevés, l’activité s’est soutenue, les crises ont été moins fréquentes et moins graves : les révoltes, les coalitions, les animosités de classes ont désarmé en partie devant les satisfactions données à l’intérêt ; les mœurs enfin, qui répondent à l’état des besoins, ont gagné tout le terrain que laissait libre l’amélioration des moyens d’existence. Il a donc fallu peu d’années pour que les peintures de Faucher aient vieilli, et qu’elles soient reléguées dans l’histoire du passé. Ce n’est pas qu’il n’y ait encore, pour quelques détails, l’équivalent de ce qu’il a vu et observé ; on pourrait, en les isolant, reproduire les teintes trop sombres dont il a souvent chargé sa palette. Ainsi il existait naguère, à Coventry, dans l’industrie des rubans de soie, une détresse aussi profonde qu’aucune de celles dont l’Angleterre ait jamais eu à souffrir. Le traité de commerce, dont une partie est pour nous à longue échéance, a causé chez nos voisins, par une brusque et immédiate application, des dommages partiels auxquels ils ont souscrit pour mettre un grand principe à l’abri et au-dessus de toutes les exceptions. Plus récemment encore, parmi les ouvriers des ports, la misère a sévi à Londres, quand la rivière, prise par les glaces, a laissé les bras sans occupation et les familles sans salaires. Quoi de plus aisé que de prendre à part ces accidens de la vie laborieuse, d’en forcer les termes, d’en charger les couleurs, et de présenter ces tableaux sous un tel jour, que tout le reste s’y absorbe pour ainsi dire et s’y confonde ?

Ce n’est pas ainsi qu’on se fait d’un peuple une idée juste, et saine, qu’on lui assigne son véritable rang. L’objet essentiel est de bien faire sentir ce que vaut la race, ce que valent les institutions qu’elle s’est données. Aucun titre n’est l’équivalent de celui-là, il doit rester présent à l’esprit et dominer les autres. Tant qu’un peuple garde en ses mains l’instrument de guérison, le mal n’est que secondaire ; tout s’amende et se répare grâce au travail constant de l’opinion, que fortifie le combat, qu’éclaire l’expérience. Il n’est plus question en ce cas d’octrois gracieux que peut retirer la main d’où ils sortent, mais de conquêtes raisonnées, d’autant plus durables qu’elles ont plus coûté à obtenir. Ainsi procèdent les états où les citoyens considèrent comme le premier des biens la faculté de se gouverner eux-mêmes, avec l’assurance que les autres biens leur