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des régions comprises, de notre côté, entre Rome et Tripoli ; mais il s’en faut que cette partie de l’hémisphère boréal soit aussi favorisée que la nôtre, et le froid y descend à une latitude beaucoup plus méridionale. La température du Japon, assez rude en hiver, surtout à cause des montagnes, est chaude en été, mais tempérée alors par les brises rafraîchissantes de la mer. Les îles sur lesquelles sont situés les nouveaux comptoirs sont de beaucoup les plus importantes de l’archipel japonais ; mais elles ne sont pas les seules qui le composent : il y a encore l’île de Sikokf, à l’est de Nippon et de Kiou-siou, longue de cinquante lieues, large de vingt-cinq, et que jamais Européen n’a visitée. Entre ces trois îles s’étend la mer orageuse de Suwonada, parsemée d’écueils et d’îlots qui ne figurent pas sur nos cartes. Elle baigne Osaka, et une tradition du pays nous montre les Japonais s’efforçant, mais en vain, d’établir un brise-lame pour protéger le port de cette ville importante : la mer en furie renversait chaque nouvel ouvrage ; enfin on reconnut que le génie terrible de Suwonada réclamait une victime et ne s’apaiserait que lorsqu’un homme aurait été muré vivant dans la digue. On dit que le Curtius japonais ne se fit pas attendre. À ces quatre grandes îles s’en rattachent de moins considérables : Sado, sur la côte ouest de Nippon, fameuse par ses mines d’or ; la noble Firado, lieu d’exil pour les princes disgraciés ; les groupes Oki, Goto ; enfin, plus au sud, les Lou-tchou, composant, avec deux autres petits archipels, un royaume qui semble dépendre à la fois de la Chine et du Japon. Tout ce chaînon d’îles forme un long arc de cercle qui se développe, sur environ huit cents lieues, de la riche Formose à la froide Sakhalian, voisine elle-même du Kamtchatka, c’est-à-dire des ardeurs du tropique presque aux glaces du pôle.

Depuis les derniers traités, beaucoup des petites vexations imposées aux étrangers lorsqu’ils entraient dans le port de Nagasaki ont disparu : ainsi on n’exige plus la remise des bibles et autres livres de piété qui étaient soigneusement cloués dans des caisses pour n’être restitués aux équipages qu’à leur départ. On a aussi supprimé la ligne de bateaux qui coupait le passage et l’estacade de pieux qui empêchait les barques japonaises s’approcher de Décima. Ordinairement une jonque amène à bord du vaisseau nouveau-venu des employés japonais parlant fort bien le hollandais et quelquefois même l’anglais ; ils sont vêtus d’une robe de gaze, de larges pantalons, chaussés de guêtres, et munis des deux épées que porte tout fonctionnaire au Japon. Sur le port et dans les jonques, les hommes du peuple ne sont couverts que d’un étroit morceau d’étoffe autour des reins et quelquefois d’un autre au milieu de la figure, afin, disent-ils, de se protéger le nez. Cette habitude de la nudité est tout à fait générale pour les hommes dans les basses classes du Japon méridional.