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même, en certains points, s’être fondues ensemble et avoir modifié mutuellement leurs pratiques extérieures. La mythologie des sintos remonte à une époque très reculée. Elle raconte qu’à l’origine une dynastie de génies célestes régna sur les îles pendant un nombre d’années considérable. Les deux derniers d’entre eux, mâle et femelle, s’étant aimés d’un amour terrestre, une fille sortit de leur péché, appelée Ama-pérasou-oho-kami, ce qui signifie le grand génie qui brille au ciel. Elle-même inaugura une dynastie de génies terrestres ou demi-dieux qui régnèrent, dit la tradition, durant plus de deux millions d’années. Le dernier d’entre eux eut quatre fils ; un d’eux prit le titre de micado, chef suprême, empereur. Il est connu sous le nom de Sin-mou, et c’est en effet lui qui, le premier, revêt une physionomie vraiment historique, 660 ans avant Jésus-Christ.

La religion des sintos est donc essentiellement nationale, puisqu’elle se lie intimement aux origines de l’histoire japonaise, et c’est l’antique aïeule de Sin-mou, Ama-pérasou, appelée aussi Tensyô-dai-sin, qui est la divinité protectrice du Japon et le principal objet du culte des sintos. D’elle, prétend descendre, par Sin-mou, la longue série des micados. Ces souverains, qui furent longtemps puissans, ont fini par être dépossédés de toute autorité réelle par les syôgoum ou tycouns ; il ne leur reste aujourd’hui que de vains honneurs, une suprématie purement nominale et l’exercice de quelques pouvoirs religieux ; par exemple ils décernent le titre de kami, c’est-à-dire de saint, qui donne le privilège, en dehors de ce monde, d’intercéder pour autrui auprès de la déesse protectrice. L’avantage que les kamis tirent dans ce bas monde de leurs fonctions futures, c’est d’être adoptés comme patrons par les Japonais sintos, qui placent leur image à leur foyer, comme les anciens y plaçaient celle des dieux lares.

Les temples sintos contiennent beaucoup de ces images de kamis, ainsi qu’un grand nombre d’ex-voto offerts dans les momens de péril et de foi. Ils diffèrent par leur, simplicité des pagodes et des temples somptueux du bouddhisme ; leur principal ornement est un miroir représentant, dit-on, la pureté de l’âme ; à droite, en entrant, se trouvent une fontaine, à gauche une cloche et une boîte où les fidèles déposent leurs aumônes. Ils font des ablutions à la fontaine, et prient ensuite devant le miroir. Cette religion, autant qu’on en peut juger avec le peu de renseignemens que nous possédons sur elle, semble être une sorte de déisme élevé dans ses préceptes et pur dans sa morale.

Les environs de Yédo sont d’une grande beauté ; au-delà des faubourgs s’étendent dans toutes les directions des champs admirablement cultivés, des bosquets, des allées de cèdres, de chênes, de platanes,