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à canon chinois) ; au mois de mai, quand les feuilles sont encore tendres ; enfin en juillet, quand elles ont acquis tout leur développement. Cette dernière récolte est la plus abondante de l’année ; ses produits répondent aux thés noirs de Chine. Le thé japonais ne suffit pas à la consommation de l’archipel ; aussi cette denrée est-elle un des rares objets de l’importation chinoise. On prépare ce breuvage de plusieurs manières : par la simple décoction, en faisant une espèce de purée de poudre de feuilles (c’est ce que l’on appelle koïtscha, ce mode de préparation est réservé pour les gens des classes supérieures) ; enfin dans les auberges, sur les routes, on met dans un vase une quantité de thé suffisante pour la journée, et qu’on laisse constamment bouillir.

Les magasins de soieries, moins importans qu’à Yédo, sont, cependant bien approvisionnés. Leurs propriétaires appartiennent à la classe la plus riche et la plus élevée des marchands ; aussi leurs maisons sont-elles tenues avec un luxe particulier : des peintures ornent la salle publique, et derrière le magasin se trouve habituellement un petit jardin où des plantes naines croissent autour de laques en miniature, sur des terrasses et dans des grottes ; les sentiers sont couverts de sable fin. Les soieries japonaises passent pour être inférieures en qualité, mais supérieures par le travail à celles de la Chine ; chacun de ces magasins présente le plus riche assortiment de nuances, depuis le franc écarlate jusqu’au bleu pâle le plus délicat. Il y a des soies blanches ornées de dessins brodés, des soies crues, des soies affinées, filées, tissées. À Yédo, les magasins de soieries peuvent être comparés en importance et en étendue aux établissemens du même genre de Londres et de Paris. M. Oliphant en visita un dont le rez-de-chaussée, ouvert sur la rue, avait 60 mètres de long sur vingt de profondeur ; il était traversé par des comptoirs couverts de nattes et entourés d’étagères et de tiroirs contenant des marchandises. Les salles de vente occupaient tout le premier étage. Les acheteurs, assis sur des divans rouges, recevaient du thé, des pipes, des rafraîchissemens, puis le sol autour d’eux était jonché de soieries, de châles de crêpe, de gazes, de broderies de toutes nuances et de tous dessins. Les broderies sont faites sur satin et très supérieures à celles de la Chine ; elles témoignent, aussi bien que l’agencement des couleurs, de beaucoup de goût ; on évite les dessins éclatans, les tons criards, et toutes ces étoffes présentent à la fois beaucoup d’élégance et de simplicité. Les Japonais sont de très fins marchands ; ils possèdent au plus haut degré l’art d’exciter la convoitise de leurs acheteurs par l’habileté avec laquelle ils disposent leurs marchandises. Ce qui est de choix est soigneusement empaqueté dans de petites caisses ; le reste est