Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/409

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

satisfaction. Toutefois la coexistence d’élémens contraires a aussi été une cause permanente d’agitation. Les deux partis ont constamment essayé de s’expulser réciproquement, et l’histoire de ces luttes est toute l’histoire de l’église anglicane. Elisabeth et les premiers Stuarts cherchèrent à établir l’unité en intimidant ou en exterminant les puritains. Ce furent les puritains qui l’emportèrent, et qui, à la révolution, chassèrent le clergé et envahirent l’église. Charles II, à son tour, ne fut pas plus tôt remonté sur le trône, qu’il entreprit de rétablir l’orthodoxie ; l’acte d’uniformité, en exigeant de tous les membres du clergé un assentiment explicite aux liturgies officielles, força deux mille pasteurs de quitter leurs troupeaux : mesure funeste qui affaiblit l’église en la purifiant, et qui donna à la dissidence une force et une importance qu’elle n’avait pas eues jusque-là.

Les anciens partis d’ailleurs ne tardèrent pas à reparaître. On vit naître, sous le règne de Guillaume, les dénominations de haute et de basse église. La première désignait les vues les plus exagérées sur l’importance des institutions anglicanes, les hommes qui attribuaient à ces institutions une origine apostolique, une valeur absolue, et qui, sans se prononcer ouvertement sur le salut des dissidens, voyaient dans le régime épiscopal la forme authentique sous laquelle Dieu avait donné le christianisme au monde. Le parti de la basse église au contraire, tout en exprimant sa préférence pour la forme, la discipline et les. croyances anglicanes, ne leur attribuait qu’une supériorité relative, une valeur de convenance ou de circonstance, et se trouvait par conséquent beaucoup moins éloigné des dissidens, et plus disposé à les tolérer. Ce parti au reste se subdivisait en deux fractions, les calvinistes et les latitudinaires. Ceux-ci, très relâchés dans leurs croyances, très indifférens aux dogmes caractéristiques de la réformation, ne pouvaient éprouver pour le droit divin de l’épiscopat ou l’efficace régénératrice du baptême une ferveur qu’ils n’éprouvaient pas pour les mystères de la grâce ou pour la justification par la foi. Quant aux calvinistes, les héritiers et les représentans du puritanisme, leur nombre et leur importance avaient singulièrement diminué au commencement du XVIIIe siècle ; mais ils étaient à la veille de reprendre un rôle important dans l’église. En effet, l’histoire des cent dernières années a ceci de particulier qu’elle nous montre l’ascendant successif de chacun des partis que l’anglicanisme renferme dans son sein. Le puritanisme est le premier qui soit ainsi sorti de ses cendres.

On considère ordinairement l’intervalle qui s’écoula entre la restauration et l’avènement de la maison de Hanovre comme la plus brillante époque de l’église anglicane. Ce jugement semble assez mal fondé. La théologie en ce temps-là n’était pas très profonde,