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moins tous les ans pendant la session du parlement, et elles peuvent encore servir au besoin à organiser une manifestation. C’est ce qui vient d’avoir lieu. La convocation de la province de Cantorbéry s’est à peine réunie cette année qu’il y a été question des Essais et Revues. Tout le monde a crié haro, et si les auteurs du volume inculpé n’ont pas été sur-le-champ poursuivis, c’est que l’église, désarmée comme elle l’est aujourd’hui, a dû reconnaître son impuissance. Je voudrais faire connaître l’ouvrage qui a si profondément ému les esprits, et indiquer l’origine et la signification du mouvement auquel cette publication se rattache. Commençons par jet un regard en arrière.

La réformation a eu un caractère particulier en Angleterre. Les changemens opérés par Henri VIII ne ressemblaient en rien aux bouleversemens qui s’étaient accomplis dans le reste de l’Europe. L’église, telle que l’avaient constituée les caprices du despote sanguinaire, n’était guère, comme on l’a dit, qu’une sorte de catholicisme décapité. C’est du règne d’Édouard VI que date la véritable réformation, celle qui modifia plus profondément les institutions religieuses du pays, et qui, des institutions, s’étendit aux doctrines. Cependant alors même les innovateurs se montrèrent moins empressées à faire table rase que ne l’avaient été les réformateurs du continent. Il y eut à cet égard comme un compromis entre deux tendances. Les uns conservaient le respect et l’amour des anciennes formes : ils consentaient à les modifier, mais non à les détruire ; ils rompaient avec la papauté sous prétexte que celle-ci était devenue infidèle à la tradition primitive, mais ils n’entendaient point pour cela rompre avec la tradition même. À côté de ce parti conservateur s’en dessinait un autre aux instincts plus révolutionnaires. S’inquiétant peu de l’œuvre des siècles, ramenant tout à l’idéal de constitution et de doctrine qu’ils s’imaginaient trouver dans l’Écriture sainte, ces radicaux de la réforme ne croyaient jamais pouvoir rendre assez large, ni assez profond, l’abîme qui devait séparer la nouvelle société chrétienne de celle dont ils se détachaient. Tels étaient ces partis, dont le premier peut s’appeler celui des anglicans proprement dits, et l’autre celui des puritains. L’église épiscopale, telle que nous la connaissons, fut le produit d’une transaction entre ces tendances. La tendance traditionnelle, sacerdotale, catholique, y est représentée par l’institution de l’épiscopat, les formes du culte, la liturgie ; la tendance novatrice, inspirée du calvinisme suisse et français, s’exprima dans les trente-neuf articles qui forment la confession de foi de l’église d’Angleterre. On peut dire hardiment que ce manque d’homogénéité et de logique, ainsi qu’il arrive souvent, a été la force de l’anglicanisme ; c’est ce qui l’a préservé des extrêmes, et ce qui a permis à des besoins très-divers d’y trouver une égale