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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/418

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sainte. L’Écriture est à ses yeux la source exclusive de la connaissance religieuse, l’unique règle de la foi, et par une conclusion, sinon rigoureuse, au moins naturelle et sans doute inévitable, l’Écriture est devenue pour le protestant, non pas seulement le document de la révélation, mais une révélation, non pas seulement l’aliment de la religion, mais la religion même, si bien que le protestantisme vulgaire se résume tout entier dans un article, croire à la Bible. Les deux églises ont fait de même ; elles ont l’une et l’autre poussé leur principe à ses dernières conséquences, et elles en sont enfin arrivées à ce point que la foi, dans les deux systèmes, n’est plus qu’une adhésion implicite donnée à une proposition générale et abstraite, ici à l’infaillibilité de l’Écriture, là à l’infaillibilité du saint-siège.

La difficulté n’est pas d’élever sur l’un ou l’autre de ces principes tout un ensemble de dogmes et d’institutions ; la difficulté commence lorsque l’esprit de critique s’éveille et se hasarde à demander sur quoi repose le principe même qui sert de fondement, car de deux-choses l’une : ou ce principe est évident, et alors on ne s’explique guère qu’il n’obtienne pas une adhésion universelle, ou il n’est pas évident, et alors il faut bien qu’il s’appuie sur des preuves, et dès lors ce sont ces preuves qui forment la véritable et dernière raison de la croyance. L’embarras de la théologie catholique est de prouver l’infaillibilité de l’autorité ecclésiastique ; l’embarras de la théologie protestante n’est pas moins grand lorsqu’elle est mise en demeure de justifier le rang qu’elle attribue à l’Écriture sainte. C’est de part et d’autre l’histoire du système hindou : la terre repose sur l’éléphant, l’éléphant repose sur la tortue ; mais la tortue elle-même, sur quoi repose-t-elle ?

Il ne suffit pas au reste que l’Écriture établisse son caractère surnaturel par des considérations plus ou moins plausibles, il faut en outre que le contenu de l’Écriture ne renferme rien qui soit en contradiction avec une pareille origine ; en d’autres termes, l’infaillibilité du recueil sacré doit se prouver positivement d’abord, et par des preuves directes, — négativement ensuite, par l’absence de toute erreur. Telle est la position que fait à la Bible la théorie du protestantisme. On va voir comment, s’il faut en croire les auteurs des Essais et Revues, les livres saints remplissent les conditions que les théologiens ont cherché à leur imposer.

Je l’ai dit, le christianisme pour le protestant se confond avec la Bible, et les preuves du christianisme se confondent aussi avec les preuves de l’inspiration de la Bible. Ces preuves sont de deux espèces, les preuves historiques, qui pendant longtemps ont seules été en faveur, et les preuves morales, qui ont pris la place des premières depuis que la caducité de celles-ci s’est fait sentir davantage.