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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/423

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exclusif et superstitieux de l’Écriture sainte ; c’est là, en effet, l’article de foi qu’il importe surtout de réviser : aussi bien on ne peut plus, de nos jours, combattre l’irréligion ni le fanatisme sans reconnaître franchement les droits de la critique et l’autorité de la raison.

On le voit, ces dernières pensées nous ramènent aux premières. À quelque page que l’on ouvre le livre sur lequel j’ai voulu attirer l’attention du lecteur, on y trouve une même préoccupation. C’est le principe du protestantisme qui partout y est en cause. « Terrible question ! écrivait Arnold, dès 1835, en parlant de l’inspiration des Écritures, question qui doit porter atteinte à toutes les notions reçues et leur porter un coup tel qu’on n’a rien vu de semblable depuis l’ébranlement de l’infaillibilité papale ; mais il faut que la crise ait lieu, et en dépit des craintes du faible et des clameurs du fanatique cette crise aura pour résultat d’établir plus solidement la vérité chrétienne. »

Il est remarquable que le moment où le protestantisme est ainsi ébranlé jusque dans ses fondemens soit aussi celui où le catholicisme voit se poser autour de lui des questions qui n’affectent pas moins sérieusement son existence. En y regardant de près, on reconnaît que la cause de ces périls est la même. De part et d’autre nous voyons la confirmation d’une vérité que j’ai déjà rappelée : toute institution s’affaiblit par l’exagération de son principe, ou, comme on l’a non moins bien exprimé, partout, dans l’histoire, ce qui a d’abord été un principe de vie devient plus tard un principe de dissolution.

Le catholicisme, depuis soixante ans, a subi une révolution qui a peu attiré l’attention parce qu’elle s’est accomplie tout entière dans le domaine des idées, mais qui n’en est pas moins grave. À force de se simplifier, de ramener tous ses dogmes à un seul, celui de l’autorité, de concentrer cette autorité dans la personne du souverain pontife, le catholicisme a étendu l’infaillibilité du saint-siège bien au-delà des limites reconnues par l’ancienne orthodoxie. La fiction constitutionnelle d’après laquelle le chef de l’état ne peut mal faire est devenue un dogme, et le pape a fini par être tenu pour un homme inspiré et, en quelque sorte, pour un être supérieur. Les écrivains qui ont travaillé à établir ce paradoxe croyaient servir les intérêts de l’église en poussant tout à l’extrême. C’est le contraire qui est arrivé. La base de l’église ne s’est plus trouvée assez large ; la pyramide renversée sur sa pointe a commencé de s’ébranler, et aujourd’hui que la position du pape est menacée à quelques égards, que les conditions de sa souveraineté paraissent sur le point de subir une modification, la conscience des catholiques se trouble ; éperdus,