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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/490

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Il jure en découvrant la trace
De plus d’un hêtre frais coupé.
Vain dépit et vaine menace !
Les maraudeurs ont décampé.

Parmi les fougères mouillées,
Le garde revient au logis.
 — Vers les cieux que l’aube a rougis
Les alouettes réveillées
Montent, montent. — Voici le jour,
Le soleil luit dans la clairière,
Les nids gazouillent à l’entour :
Tout est fête, joie et lumière.

Il arrive… et reste sans voix ;
Svelte et pimpant, un brin de hêtre,
S’étale devant la fenêtre
Et raille le garde aux abois.
Sa fille, à la croisée ouverte,
Sourit en tordant ses cheveux ;
Derrière la ramure verte,
On voit briller ses grands yeux bleus.

Le vieux contemple avec tendresse
Ces yeux de véronique en fleur,
Et déjà chantent dans son cœur
Mille souvenirs de jeunesse ;
Le voilà qui rit, désarmé,
Et tout ému, voilà qu’il pose
Un gros baiser sur le front rose,
À travers les branches du mai.





IV. — RENCONTRE.


C’était au fond d’un bois, au détour d’un chemin,
Dans le taillis épais disparaissant soudain.
Le bois était profond et le sentier rapide ;
L’herbe y croissait menue, et, sur la berge humide,
Des menthes imprégnaient l’air de leur saine odeur.
La solitude était si grande et la fraîcheur
Du sommet des rameaux tombait si mollement,
Que mon cœur se taisait, pris d’assoupissement.
Mon corps s’était creusé dans la mousse une couche,
Et je croyais sentir se fondre dans ma bouche